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pour objet de rechercher les peuples de Gog et de Magog, dont il est parlé à la fois dans la Bible et dans le Koran, et qui appartiennent au domaine de la géographie mythique des Arabes. Sallam se rendit en Arménie et en Géorgie ; il traversa le Caucase, et visita les Khozars, qui à cette époque formaient un état florissant, tourna la mer Caspienne, et, se dirigeant vers l’Oural et l’Attaï, il s’avança dans des contrées qui n’ont été explorées que dans les temps modernes. Il revint dans la Mésopotamie par la Boukharie et le Khorassan. La relation de Sallam nous a été conservée par des écrivains postérieurs, mais elle est surchargée de récits fabuleux qui, dès le principe, excitèrent les défiances des musulmans eux mêmes.

Le monde de l’antiquité, le monde tel qu’il se déployait aux regards des Grecs et des Romains, s’était considérablement agrandi par les conquêtes des disciples de Mahomet. Ceux-ci et les peuples qui vivaient sous leur protection pouvaient se rendre librement des rives de l’Océan Atlantique jusqu’à la mer du Japon, des pics de l’Atlas et du fond de l’Arabie jusqu’au nord du Caucase et du Yaxartes ; des relations aussi fréquentes que régulières s’étaient établies, soit par mer, en suivant la Méditerranée et la mer des. Indes, soit par terre, à travers la Syrie, la Perse, la Transoxïane et la Tarane. Les Juifs, qui, depuis leur captivité, sont devenus cosmopolites ; étaient ordinairement les intermédiaires de ces relations.

Nous devons à M. Reinaud la découverte d’un passage curieux qu’il a retrouvé dans un géographe de la fin du ixe siècle. Ibn Khordadbeh (le fils de Khordadbeh), ainsi appelé parce qu’il descendait d’un mage de ce nom qui s’était converti à l’islamisme. Cet écrivain était directeur de la poste et de la police dans la province de Djebal ou l’ancienne Médie, et fut à même, dans cette position officielle, de se procurer des renseignemens exacts sur les contrées dont il nous a tracé une description. Nous voyons dans ce fragment comment s’opéraient alors les communications commerciales entre l’Europe et l’Asie : « Les. Juifs, dit l’auteur, parlent le persan, le romain (grec et latin), l’arabe, les langues franke, espagnole et slave ; ils voyagent de l’accident à l’orient et de l’orient à l’occident, tantôt par terres tantôt par mer. Ils apportent de l’Occident des eunuques, des esclaves, garçons ou jeunes filles, de la soie, des pelleteries et des épées. Deux routes maritimes s’ouvrent devant eux en partant d’Europe par la première, ils atteignent Farama près des ruines de l’ancienne Péluse en Égypte, gagnent par terre Colzoumi à la pointe nord de la mer Rouge ; de là ils mettent à la voile et abordent dans le Hedjaz et à Djidda sur la côte d’Arabie, d’où ils continuent leur voyage jusque dans l’Inde et à la Chine. Ils rapportent du musc, de l’aloès, de la cannelle, du camphre et autres productions de l’extrême Orient. Au retour, ils suivent la même direction et vont vendre ces denrées, soit à Constantinople, soit dans le pays des Franks. La seconde route les conduit à l’embouchure de l’Oronte, vers Antioche, d’où, en trois jours de marche, ils atteignent l’Euphrate et Bagdad ; là ils s’embarquent sur le Tigre et descendent à Obollah. (l’ancienne Apologos), où ils mettent à la voile pour l’Oman, le Sind, l’Inde et la Chine. » Les Russes, d’après le témoignage d’Ibn-Khordladbeh, prenaient part aussi à ce mouvement d’échange ; ils venaient des provinces les plus reculées de leur pays vendre leurs pelleteries aux le littoral de la Méditerranée. Quelquefois ils descendaient le Volga et se