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Nassyr Eddin, l’astronomie, cultivée encore par quelques uns de ses disciples, ne produisit plus de ces grands travaux qui avaient signalé le règne des Abbassides et qui contribuèrent tant à la splendeur du khalifa. Plus tard, au XVe siècle, cette science, ravivée un instant par Ouloug-Bey, l’un des petits fils du fameux Timour-Leng ou Tamerlan, jeta un dernier éclat pour s’éteindre tout à fait en Orient.


III. – TRAVAUX GEOGRAPHIQUES DES ARABES AVANT ABOULFEDA.

Les ouvrages de géographie descriptive que les musulmans nous ont laissés doivent occuper ici une place à côté de leurs travaux astronomiques et mathématiques. Le plus ancien que nous connaissions est celui qu’Aboulféda a cité dans son chapitre de l’Arabie, et qui a pour auteur, Nadhar, fils de Schomail. Nadhar naquit à Bassora, vers l’an 740 de l’ère chrétienne : le besoin de se créer des moyens d’existence et les avantages dont les Arabes jouissaient dans les pays conquis l’engagèrent à quitter ses foyers pour aller s’établir dans le Khorassan. Si l’on juge le livre de Nadhar d’après le sommaire des chapitres, qui est tout ce qui nous en reste, on doit supposer qu’il avait été composé pour des nomades, et qu’il n’était fondé que sur des notions très imparfaites. Il ne faudrait pas croire toutefois que le gouvernement des khalifes fût réduit à ne posséder que de vagues renseignemens sur les pays étrangers on a vu que, lors de la première conquête de d’Espagne et du midi de la France, le khalife, de Damas avait demandé au commandant de ses troupes un tableau statistique des nouvelles provinces. En outre, les khalifes abbassides entretenaient en dehors de leurs états des espions des deux sexes. Ainsi Abd-Allah surnommé Sidy-Gazy, fut pendant vingt ans l’agent de Haroun-Alraschidd dans les pays grecs, et fournit à ce prince les informations dont il avait besoin pour les rapports de guerre ou d’amitié qu’il entretenait avec les empereurs de Constantinople ; mais ces informations faisaient partie des secrets d’état, et le gouvernement n’en divulguait que ce qu’il jugeait convenable.

Sous Almamoun et ses premiers successeurs vivait à Bassora Amrou, surnommé Aljahedh, parce qu’il avait les yeux à fleur de tête. Cette cité servait alors d’intermédiaire pour le négoce qui se faisait d’une part entre la Mésopotamie, la Syrie et les côtes de la Perse, d’autre part entre les côtes orientales de l’Afrique ; l’Inde et la Chine. Le voisinage de Koufa, Vasseth, Moussoul et surtout de Bagdad, capitale de l’empire, avait fait de Bassora une des villes les plus florissantes. Comme au temps de Ninive et de Babylone, les vallées du Tigre et de l’Erughrate étaient devenues le centre du commerce du monde. Aljahedh profita de l’affluence des marchands qui accouraient des régions les plus éloignée pour former des collections d’objets d’histoire naturelle ; il entreprit même d’en décrire l’origine et les caractères. On cite de lui, entre autres écrits, un ouvrage intitulé : Livres des cités et Merveilles des contrées. Cependant il paraît que Aljahedh n’avait que des idées très imparfaites en géographie. Massoudy et Albyrouny s’accordent à dire que, conformément à une conjecture qui avait été jadis émise par les Grecs, Aljahedh supposait que le Nil était en communication avec l’Indus.

À cette époque, les mers orientales étaient parcourues par les navires arabes