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Alkharizmy est de plus l’auteur d’un Traité d’algèbre, rédigé d’après les données indiennes, et qui paraît être l’abrégé d’un ouvrage plus étendu, traduit du sanscrit en arabe sous le règne d’Almamoun. Ce Traité avait d’autant plus de prix pour les musulmans, que le partage des successions, réglé par le Koran, est très compliqué, et exige pour la solution de certains cas le secours de l’algèbre. Cet ouvrage est parvenu en Europe, où il a été reproduit en latin. Toutefois le livre qui contribua le plus à propager parmi les musulmans la connaissance des doctrines indiennes est celui qui fut mis au jour par ce même Alkharizmy et qui portait le titre de Petit Sindhind, par opposition au Grand Sindhind, traduit en arabe sous le khalifat d’Almansour. Alkharizmy, se bornant à ce qu’il avait trouvé de plus utile dans ce dernier traité, le compléta au moyen d’emprunts faits aux mathématiciens grecs et persans. Il se conforma aux théories indiennes pour les moyens mouvemens ; mais, pour les équations, il adopta les idées persanes, et, pour l’obliquité de l’écliptique, celles de ptolémée. Il ajouta même à ces idées diverses méthodes approximatives de son invention. Cet ouvrage, qui résumait les méthodes en usage à l’époque d’Almamoun, eut un grand succès, et il est souvent cité par les écrivains postérieurs. Le Petit et le Grand Sindhind, dont la lecture serait si intéressante pour nous, ne se sont point conservés ; mais le Petit Sindhind fut traduit au XIIe siècle en latin par Adelard de Bath, dont nous possédons le travail. Un des faits les plus importans dont il nous fournit le témoignage, c’est que l’auteur arabe employait les procédés trigonométriques dont on a attribué l’invention à Albategnius, venu un demi siècle plus tard, et, comme ces procédés se retrouvent les mêmes dans le Sourya Siddhanta, traité sanskrit antérieur de plusieurs siècles, on est autorisé à en conclure que la trigonométrie, telle à peu près qu’elle est conçue de nos jours, est d’origine indienne.

Le règne d’Almansour fut marqué par la rédaction de plusieurs tables astronomiques. Ces tables n’avaient pas seulement pour objet la détermination des mouvemens célestes, qui est si utile, pour la connaissance des phénomènes physiques ; elles comprenaient aussi la longitude et la latitude des principales villes musulmanes, et alors les séctateurs de l’islamisme étaient maîtres de la plus belle portion de l’ancien monde. La religion de Mahomet prescrit, comme on sait, cinq prières par jour à des heures fixes ; de plus, tout musulman qui a atteint l’âge de raison est obligé, dès que la lune du mois de Ramadhan apparaît sur l’horizon et pendant toute la durée de ce mois, de se maintenir en état de jeûne chaque jour jusqu’au coucher du soleil. Les différentes localités, les familles même ont besoin par conséquent d’un tableau qui indique jour par jour les mouvemens du soleil et de la lune. Ces tableaux sont dressés par les astronomes à l’aide des tables de longitude et de latitude qui accompagnent tous les traités astronomiques tant soit peu considérables. Il y a même auprès des principales mosquées des hommes appelés Mouakkit, qui sont chargés de fixer l’instant précis des observances religieuses, et parmi eux il s’est rencontré quelquefois des savans distingués. Enfin, ces tables étaient indispensables pour les astrologues qui dès lors jouissaient auprès des grands et du vulgaire, d’un crédit qu’ils n’ont point encore perdu aujourd’hui.

Trois de ces tables eurent pour auteur un astronome originaire de Mérou, ville du Khorassan, en Perse, appelé Ahmed, fils d’Abd-Allah, mais plus connu