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du monde, que des notions très imparfaites, amalgame de leurs opinions particulières, de celles qui leur venaient des sources bibliques et rabbiniques, et de quelques emprunts faits aux doctrines mises en circulation par les Grecs, de Rome, les Perses et les Indiens, et ces doctrines n’avaient même, à vrai dire, pénétré que sur les côtes et dans quelques villes commerçantes de l’intérieur, telles que la Mecque et Médine. L’idée d’une géographie, même grossière, ne vint aux Arabes qu’après la mort de Mahomet, lorsque, s’élançant de leurs déserts, le sabre d’une main et le Koran de l’autre, ils crurent voir le mode entier s’ouvrait au triomphe de l’islamisme et de leurs armes. Leurs expéditions furent faites d’abord sans aucun plan déterminé et dirigées contre les peuples qui s’offrirent les premiers à leurs coups, mais, à mesure qu’une contrée était subjuguée, ils tâchaient d’en reconnaître les routes et les limites, et se hâtaient d’en étudier les ressources. Le résultat de ce travail était envoyé au siège du gouvernement. Un de leurs auteurs raconte que, les Arabes s’étant emparés de la plus grande partie de l’Espagne et de la Gaule narbonnaise, le khalife de Damas demanda à l’émir de Cordoue une espère de tableau statistique des régions nouvellement soumises. Ce qui contribua aussi aux progrès de la géographie fut l’obligation imposée à tous les disciples de Mahomet, même ceux des provinces les plus éloignées, d’accomplir le pèlerinage de la Mecque au moins une fois en leur vie. La vaste étendue des possessions musulmanes faisait de ce genre de voyages une source d’observations.

La géographie, comme des autres sciences en général et l’astronomie en particulier, commença à être cultivée par les Arabes vers la moitié du VIIIe siècle, et se fixa dans la première moitié du IXe. Les itinéraires tracés par les chefs des armées conquérantes et les tableaux dressés par les gouverneurs de provinces furent mis à contribution et rattachés aux méthodes employées par les Indiens, les Perses, et surtout à celles des Grecs, les plus précises de toutes. La science géographique chez les Arabes, s’appuya presque dès l’origine sur les mathématiques. Comment, en effet, avoir une idée tant soit peu exacte de la place qu’un lieu occupe sur la surface du globe relativement à un autre lieu ; si l’on ignore sa longitude, et sa position par rapport aux phénomènes célestes ? L’Almageste, et peut être la Géographie de Ptolémée, qui contenaient tout ce que les Grecs avaient inventé pour l’application des mathématiques au perfectionnement de la géographie, furent traduits en arabe dans le cours du VIIIe siècle. Les doctrines consignées dans ces ouvrages furent comparées avec les observations faites en Perse sous la dynastie des Sassanides, et par les brahmanes sur les bords de l’Indus et du Gange. En peu de temps, la géographie arabe prit une forme déterminée, et, comme elle embrassa dans son domaine des régions dont les Grecs et les Romains n’avaient connu que le nom, elle ne tarda pas à s’agrandir des progrès faits par la conquête et le zèle religieux ; elle n’eut plus dès lors pour limites l’empire romain seulement, elle comprit aussi la Perse, l’Inde, la Transoxiane, etc., et l’on vit sur les rives du Nil, de l’Euphrate, de l’Oxus et de l’Indus, ainsi que du Guadalquivir, se produire des travaux remarquables à différens titres et à divers degrés sur l’astronomie et la géographie.

C’est à Bagdad, vers l’an 772 de notre ère, sous le khalifat d’Almansour, que les Arabes firent les premiers essais pour s’approprier les sciences astronomique