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suzerain par l’empressement qu’il mettait à lui plaire, par un dévouement à toute épreuve et ses services militaires. Le sultan le nomma, en 1310, son lieutenant à Hamat, et, deux ans après, lui conféra la souveraineté pleine et entière de cette principauté, apanage des ancêtres du géographe arabe.

Outre les soins incessans que réclamait l’administration de ses domaines et le concours qu’il prêtait au sultan dans toutes les expéditions militaires que celui ci entreprenait, Aboulféda avait été chargé de veiller sur les frontières de l’empire égyptien, du côté de l’Euphrate. Depuis plus d’un demi siècle, le khan des Tartares de Perse et le sultan d’Égypte et de Syrie étaient continuellement en lutte l’un avec l’autre. Les Mongols, en possession non seulement de la Perse, mais encore de la Mésopotamie et de l’Asie Mineure, avaient, plus d’une fois envahi la Syrie, et menaçaient sans cesse cette contrée. Leur but était d’arriver jusqu’en Égypte et d’anéantir la seule puissance qui eût résisté à leurs armes victorieuses. Il y allait donc du salut du sultan d’être toujours sur ses gardes. La portion de la Mésopotamie et de la Syrie qui est contiguë à la principauté de Hamat était occupée pendant une partie de l’année par une portion de la tribu arabe de Thay, qui y faisait paître ses troupes ces nomades, qui reconnaissaient pour chef un homme puissant, nommé, Mohanna, descendaient vers le sud pendant le reste de l’année, et, dressant leurs tentes aux environs des ruines de l’antique Babylone, s’établissaient sur le territoire des Tartares. Mohanna, se trouvant ainsi resserré entre deux empires formidables, joue le même rôle que jadis les rois arabes de Hira et de Gassan à l’époque de la lutte des Romains avec les Parthes et ensuite avec les Perses. Ce chef, qui aspirait surtout, à se faire craindre et à mettre son alliance à haut prix, était dans l’usage d’entretenir, comme agens, des membres de sa famille auprès du khan ainsi qu’auprès du sultan. Les rapports qu’Aboulféda eut avec ces envoyés ne lui furent pas inutiles pour ses recherches géographiques. Il cite dans son traité, en décrivant le cours du Tigre et de l’Euphrate, le récit qu’il tenait du fils de Mohanna, et, en parlant de l’intérieur de l’Arabie, il invoque le témoignage de Hadyté, frère de ce même Mohanna.

Aboulféda termina sa carrière à Hamat, le 3 du mois de moharrem de l’année 732 (26 octobre 1331). Il fut enterré dans le torbé ou mausolée qu’il avait fait construire pour lui et sa famille. Il venait d’entrer dans sa soixantième année, en comptant par années lunaires, ce qui revient environ à cinquante huit ans grégoriens. Il laissa un fils appelé Mohammed, du même nom que le fondateur de l’islamisme, et qui lui succéda dans le gouvernement de Hamat ; mais son impéritie et sa faiblesse lui firent bientôt perdre la haute position que son père avait si laborieusement conquise. Il fut dépouillé de son autorité et relégué à Damas, où il mourut au bout d’un an, en 1344, laissant un jeune fis qui le suivit de près au tombeau.

Ainsi s’éteignit la dynastie des souverains de Hamat, après avoir pendant près de deux siècles fait le bonheur et assuré la prospérité des populations soumises à sa domination. Elle était un des rameaux de cette illustre famille des Ayoubites, qui, issues d’un esclave kurde, avait produit Saladin et Malek Adel, possédé les principautés d’Émesse, de Baalbek et d’Alep, et régné avec tant de gloire sur l’Égypte et la Syrie. Il ne resta plus qu’une branche, qui descendait de Malek Adel, et qui, après s’être long temps maintenue sur les