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seule de Taky Eddin conserva ses états et les possédait encore, lorsque Aboulféda vint au monde. Il naquit l’an 672 de l’hégyre (1273 de notre ère) à Damas, où une irruption des Tartares avait forcé ses parens à chercher un refuge.

Le prince qui régnait alors à Hamat, Mohammed, surnommé Almalek Almansour (le prince invincible), était oncle paternel d’Aboulféda. Il reconnaissait la suzeraineté de Kelaoun, mamelouk originaire des bords du Volga, et qui était devenu maître de l’Égypte et de la Syrie. Mohammed étant mort en 883 de l’hégyre (1284 de Jésus Christ), son fils Mahmoud reçut l’investiture du sultan Kelaoun et monta sur le trône en prenant le titre de Almalek Almodhaffer (le prince victorieux).

La Syrie, à cette époque, était partagée entre divers princes Les sultans mamelouks, héritiers de la puissance de Saladin et de, Malek Adel, étendaient leur domination à la fois sur la Syrie et sur l’Égypte ; mais un certain nombre de places fortes, débris du royaume fondé par les Latins Saint Jean d’Acre, Tripoli, Tyr et quelques autres villes du littoral, étaient restées entre les mains des Franks. Unis d’intérêt avec les chrétiens arméniens de la Cilicie, soutenus par les secours qu’ils recevaient de temps en temps d’Europe, où le zèle des croisades n’était pas tout à fait éteint, les Franks se montraient encore redoutables. La crainte qu’ils inspiraient aux musulmans était accrue par la présence des Tartares ou Mongols. Ces peuples, sortis avec Tchinguiz Khan des environs du lac Baïkal, avaient subjugué en quelques années une partie de l’ancien monde, depuis la mer du Japon jusqu’à l’Adriatique, depuis la mer Glaciale jusqu’au golfe Persique. À la vérité, cette puissance, jusque là sans exemple, n’avait pas tardé à se fractionner. La Perse, la Mésopotamie et l’Asie Mineure, détachées de l’empire de la Chine, formaient un royaume à part ; un autre état mongol occupait, sous le nom d’empire du Kaptchak, le nord de la mer Noire et de la mer Caspienne. Une dynastie tartare dictait des lois à la Perse, et ses princes ou khans, qui avaient jusque là échoué dans leurs efforts pour s’emparer de l’Égypte et de la Syrie, quoiqu’ils disposassent de grandes ressources, étaient amenés, par suite de leurs prétentions sur ces deux contrées, à rechercher l’alliance des Franks contre les musulmans. Le chef de ces derniers , le sultan d’Égypte, dont la tranquillité était ainsi menacé, des deux côtés, sentit qu’il devait se hâter d’arracher aux chrétiens les villes qu’ils avaient conservées Aboulféda prit part à cette guerre, sous la bannière de son suzerain. Il marchait, avec son père et son cousin, à la tête des troupes de la principauté de Hamat. On le voit, dès l’âge de douze ans, figurer à la conquête du château de Marcab, enlevé aux chevaliers de l’Hôpital en 1289, assister à. la prise de Tripoli, et l’année suivante à celle de Saint Jean d’Acre, puis contribuer à l’entière destruction des colonies chrétiennes d’Orient.

Le cours de ces succès ne fut ni ralenti, ni interrompu par les dissensions nées de l’esprit turbulent et des rivalités des émirs mamelouks, qui tous aspiraient au pouvoir suprême et cherchaient à se l’enlever tour à tour. Le sultan Kelaoun, étant mort en 689 (1290 de Jésus Christ), fut remplacé par son fils aîné Abd Almalek Alaschraf, qui fut assassiné au bout de trois ans par ses principaux émirs. Un autre fils de Kelaoun, appelé Mohammed et surnommé Almalek Alnasser (le prince victorieux) et Nasser Eddin (le protecteur de la