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de l’Indus, tandis que d’un autre côté, vers l’occident, elles se répandaient comme un torrent le long de la côte septentrionale de l’Afrique et portaient leurs déprédations dans les îles de la Méditerranée. Ces succès des Arabes furent dus non seulement à l’enthousiasme religieux et militaire que le prophète avait su leur inspirer, mais encore à l’habileté des hommes de guerre qui se révélèrent tout à coup parmi eux, et aux talens politiques et administratifs des successeurs immédiats de Mahomet.

Dans cette première période, qui s’étend depuis la fondation de l’islamisme jusqu’à la chute de la dynastie des Ommyades, dont le siége était à Damas, et, qui dura l’espace d’un siècle, les conquêtes, la propagation du Koran, l’organisation de l’empire et souvent aussi les discordes civiles occupèrent les musulmans, et ne leur permirent pas de donner l’essor à ces instincts littéraires qu’ils manifestèrent bientôt après avec tant d’éclat. Cependant, les circonstances politiques en préparaient déjà le développement. Moawyah, élevé au khalifat, rendit héréditaire dans sa famille un pouvoir d’abord électif, et les enfans d’Abbas et d’Aly, poursuivis par son ombrageuse, politique, se réfugièrent dans l’intérieur de l’Arabie, en Mésopotamie et dans les provinces orientales de la Perse. Là, dans les loisirs forcés de leur exil, ces princes proscrits se prirent de goût pour l’étude des sciences, ravivée et devenue très florissante depuis un siècle dans les pays où ils étaient venus chercher un asile, grace à la protection active et généreuse dont l’avait entourée Khosrou Anouschirvan. L’on sait que ce prince, désigné par nos historiens occidentaux sous le nom de Cosroës le Grand, et l’un des plus illustres de la dynastie des Sassanides, qui gouverna la Perse depuis l’année 226 jusqu’en 637 de Jésus Christ, avait attiré à sa cour les philosophes grecs persécutés par les empereurs de Byzance, et qu’il fut le fondateur de la célèbre école de Djondy Sapour.

Lorsque la famille des Ommyades ne fut plus représentée que par des tyrans ou des princes dégénérés, qui méritèrent la haine et le mépris publics, l’étendard de la maison d’Abbas fut arboré publiquement dans le Khorassan, l’une des provinces de la Perse orientale. Une armée, recrutée en majeure partie de Persans, s’avança vers l’Euphrate, et mit fin au règne des Ommyades. Les Abbassides, qui leur succédèrent dans le khalifat, apportèrent sur le trône cet amour éclairé des lettres et des sciences, ces habitudes d’une civilisation élégante et raffinée qu’ils avaient puisées dans les pays où ils avaient long temps vécu. Ils appelèrent auprès d’eux des chrétiens nestoriens, les hommes les plus habiles de cette époque dans la médecine, les mathématiques, l’astronomie et l’astrologie. Dès que le chef de la dynastie abbasside, le khalife Almansour, vit le pouvoir affermi dans ses mains, il s’attacha à tourner vers les recherches scientifiques le génie actif et pénétrant des Arabes. Par ses ordres, plusieurs livres grecs furent traduits dans la langue du Koran. Ce prince, au dire des auteurs musulmans, joignait à toutes les qualités qui font le grand souverain une vaste érudition ; il excellait dans la jurisprudence, dans la philosophie et l’astronomie. Attirés par ses libéralités, les savans accoururent de toutes parts dans la ville de Bagdad, qu’il avait fondée pour en faire sa capitale, et où il institua de nombreuses académies.

Plusieurs des successeurs d’Almansour, Haroun Alraschid, son fils Almamoun, Alwathek et Almothawakkel, marchèrent sur ses traces. Haroun Alraschid aimait les savans, et surtout les poètes, qui étaient les commensaux de son