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planches, dont l’unique mérite est de coûter fort peu, soient venues déshonorer ce procédé de gravure et ne lui aient laissé que son importance commerciale. Si l’on s’arrête un moment devant ces types d’héroïnes de roman ou devant ces figures de femmes à demi vêtues au bas desquelles on lit, en forme de commentaire, Amour, Souvenir, Passion, Désir, et tous les substantifs tirés l’un après l’autre du vocabulaire érotique, ou ne sait ce qui déplaît le plus, ou de l’intention secrète, ou de la pauvre exécution de pareilles images. À coup sûr, on ne peut y voir rien qui intéresse l’art, si ce n’est le dommage qu’il en subit. La partie du public accessible au charme d’ouvrages de cet ordre n’est pas sans doute celle que persuaderait le beau, et il n’y a pas lieu de s’inquiéter beaucoup de ses suffrages ; mais, à force de rencontrer des objets vulgaires, les regards de tous peuvent finir par s’accoutumer à ce spectacle et négliger de chercher ailleurs. Ce danger auquel une fâcheuse concurrence expose les travaux sévères du burin n’est pas le seul qui compromette l’avenir de notre école de gravure pour peu que l’on veuille se rendre compte des conditions où elle ses trouve, on reconnaît aisément que les talens existent, mais que les occasions de se développer manquent à beaucoup d’entre eux.

La gravure d’une planche d’histoire exige, on le sait, de la part de l’éditeur le sacrifice de sommes considérables, à plus forte raison la gravure d’une série d’estampes destinées à former un recueil. C’est là aujourd’hui l’obstacle principal aux publications de ce genre. L’état, aux frais duquel elles étaient autrefois entreprises, ne peut plus guère y participer qu’à titre de souscripteur. Souvent aussi quelque grand seigneur jaloux d’attacher son nom à un monument d’art honorable pour la France faisait graver une collection de tableaux, une suite de sujets historiques : au temps où nous vivons, les hommes disposés à jouer le rôle de protecteurs des arts sont devenus plus rares encore que les grandes fortunes, et, si quelques portefeuilles s’ouvrent de loin en loin pour recevoir les estampes récemment éditées, il est cependant vraisemblable que les graveurs seraient mal inspirés en demandant au zèle tempéré des amateurs contemporains une intervention plus aventureuse et des encouragemens moins ménagés. Qui aura désormais la pensée d’imiter le comte de Caylus, M. de Choiseul et tant d’autres personnages du XVIIIe siècle, sous le patronage desquels de magnifiques recueils ont été publiés ? A défaut de hautes protections individuelles, peut-on espérer le concours de certaines corporations ? Mais le temps n’est plus où la confrérie des orfèvres de Paris faisait annuellement offrande à l’église Notre-Dame de tableaux du May, que la gravure reproduisait ensuite. Il n’en va pas d’ailleurs de notre république comme des républiques italiennes, où les officiers publics, les corps de métiers