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sang-froid le plus impartial, on a craint de donner la direction suprême de cette enquête à quelque fonctionnaire vieilli dans le service indien. On a préféré à un homme spécial, een Indieman, comme on dit en Hollande, un homme nouveau, qui fût en dehors de tous les antécédens administratifs de l’Inde, dont le choix ne préjugeât aucune des solutions en litige, qui fût ainsi mieux à même de ne froisser aucune opinion, d’appeler à lui sur les lieux toutes les lumières, pour arriver sans parti pris aux réformes indispensables et point à d’autres. C’était ce qu’on avait voulu en nommant M. Bruce ; la nomination de M. Duysmaer van Twist présente les mêmes garanties. Ces garanties sont d’autant plus désirables d’ans les conjonctures actuelles, que le conseil des Indes qui siège à Batavia paraîtrait se brouiller de plus en plus avec la haute administration : C’est toujours M. van Nes qui reste vice-président de ce conseil, ainsi que nous l’avions dans le temps annoncé.

Les possessions hollandaises d’outre-mer donnent encore d’autres embarras que ces difficultés d’organisation intérieure. La pacifique Néerlande est toujours obligée d’avoir recours, dans ces lointains parages, à son ancienne énergie guerrière. Déjà, dans le mois de septembre de l’an dernier, une expédition bravement conduite avait sévèrement châtié la révolte des Chinois de la côte orientale de Bornéo ; le colonel Sorg, chef de l’expédition, vient de succomber à ses blessures. On parle maintenant d’une nouvelle entreprise contre ces populations remuantes ; en attendant, les canonnières hollandaises font bonne garde aux embouchures des fleuves de Bornéo.

Il survient toujours en Suisse des incidens déplorables qui montrent jusqu’à quel point tout le territoire helvétique a été travaillé par le radicalisme : Il faut espérer que les gouvernemens qui, comme celui du canton de Berne, recommencent à reprendre pied contre les agitateurs, se maintiendront malgré les tentatives faites pour les débusquer. L’échauffourée du val Saint-Imier, qui s’est communiquée si vite à Interlaken, n’était ni plus ni moins qu’une tentative de ce genre. L’arrêt d’expulsion lancé de Berne contre le réfugié prussien Basswitz n’a été que le prétexte qu’on cherchait depuis quelque temps pour un mouvement insurrectionnel.

Le mouvement a eu lieu. Le préfet d’Interlaken, M. Muller, a été tout de suite frappé d’un coup de feu ; il était désigné d’avance aux balles des radicaux, qui entrent si volontiers en campagne par des assassinats. Le sang versé ne leur a point porté bonheur : le mouvement a été presque aussitôt étouffé qu’osé. Il n’en a pas moins son importance, parce qu’il révèle un redoublement d’activité de la part du comité central de la propagande de Londres. Il est maintenant, en effet, à peu près constaté que M. Mazzini a pu récemment traverser la France et la Suisse, qu’il a visité le Piémont, et s’en est paisiblement retourné en Angleterre. Il apportait avec lui, dit-on, des mots d’ordre et de l’argent ; il a laissé derrière lui, pour marquer la trace de ses pas, deux essais d’émeute, une bagarre insignifiante à Gênes, et cette affaire de Berne qui ne laissait pas d’être plus grave. La position du gouvernement de Berne n’est pas facile. Les radicaux mitigés, qui forment à peu près la majorité du conseil fédéral, ne lui sont pas très bienveillans, parce qu’ils l’accusent de vouloir revenir à l’ancien état de choses et lui pardonnent à peine le rôle de conservateur libéral qu’il s’est attribué. Les ultra-radicaux se figuraient avoir ainsi