Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

selon la mesure de ses forces, on ne saurait sans injustice oublier les peintres Sabatelli et Pinelli. Le premier a gravé à l’eau-forte sa grande composition de la Peste de 1348, et le style énergique de cette planche l’élève presque au rang des chefs-d’œuvre du genre : le second, dans ses nombreuses suites de sujets romains, de scènes de brigands, etc., a manié la pointe sans délicatesse assurément, mais non sans verve et sans un véritable sentiment de la tournure et de la vie. Ce qui distingue l’école actuelle de gravure en Italie, ou, pour parler plus exactement, les graveurs italiens, c’est donc une somme considérable de talens individuels reliés entre eux par l’analogie des instincts plutôt que par la similitude de la manière. Les estampes produites de nos jours à Parme ou à Florence, à Milan ou à Rome, attestent, à des degrés divers, l’habileté des artistes ; mais elles prouvent aussi que chacun y pratique l’art avec une indépendance à peu près absolue. On ne saurait dire cependant que ces œuvres, envisagées dans leur ensemble, ne présentent pas une certaine physionomie nationale et qu’il leur manque un caractère commun. Elles portent presque toutes l’empreinte de l’élévation du sentiment, et se recommandent par une apparence de liberté correcte aussi éloignée de la rigidité allemande que de la fausse facilité de l’art anglais. Enfin, si les leçons des maîtres français ont été profitables aux graveurs italiens, ceux-ci n’ont pas suivi avec moins de succès les conseils de leur propre expérience. Ils n’ont pas encore réussi à reconstituer l’unité de l’école, mais ils honorent par leurs travaux l’art qu’ils cultivent et leur pays.


V. – ÉCOLE FRANCAISE. — M. DESNOYERS : Vierges d’après Raphaël. — M. HENRIQUEL-DUPONT : Gustave Wasa d’après M. Hersent, Strafford d’après M. Delaroche. — MM. MARTUBET, FRANCOIS, etc. – GRAVURE SUR BOIS, GRAVURE A L’AQUE-TINTA.

Tant qu’avait duré l’empire, on ne s’était pas douté en France du mouvement d’art opéré à Londres pendant les dernières années du règne de George III et au commencement de la régence. La suspension des relations commerciales entre les deux pays nous avait laissés à cet égard dans une ignorance si profonde, que jusqu’en 1816 on ne connaissait ici d’autres estampes anglaises que celles de Strange, de Ryland, de Woollett, en un mot rien que celles qui avaient paru avant la fin du XVIIIe siècle ; et lorsqu’après le retour des Bourbons les produits de l’art moderne anglais frappèrent pour la première fois les regards de nos graveurs, ils les éblouirent au moins autant par le prestige de la nouveauté que par l’éclat du mérite. Les hommes qui se préoccupaient surtout, comme MM. Tardieu et Desnoyers, de la largeur du style et de la sévérité de l’exécution s’émurent peu de pareilles innovations, si l’on en juge par le caractère des œuvres qu’ils publièrent depuis lors : la belle planche de Ruth et Booz, gravée par le