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temps ce même lézard était revenu tout doré, et qu’il était entré de nouveau dans la bouche du roi. Gontran fut émerveillé de ce récit ; il fit exécuter des fouilles sur les hauteurs environnantes, y découvrit de grandes richesses, et y fonda une ville qu’il appela Montrésor, en mémoire de cet événement. Ces contes, répétés de bonne foi, étaient acceptés de même. Personne ne songeait à les réfuter, et quelques villes en consacraient le souvenir dans des monumens figurés. C’est ainsi que dans l’église cathédrale de Saint-Pierre à Beauvais on voyait une tapisserie qui représentait la fondation de cette ville par un prince de race troyenne, Belgius, qui vivait l’an 1370 avant Jésus-Christ. Si les faits sont absurdes, les dates du moins sont toujours précises.

Depuis long-temps déjà la critique a fait justice de ces rêveries ; mais, en cette question, une fois les mensonges écartés, que reste-t-il pour les temps primitifs, sinon l’incertitude et le doute ? C’est à peine si le nom de quelques villes gauloises est parvenu jusqu’à nous, et l’on a écrit plusieurs centaines de volumes pour arriver à conclure qu’il est impossible de déterminer avec une parfaite exactitude l’emplacement de la plupart d’entre elles. Tout ce que l’on peut dire de certain, c’est que la conquête romaine respecta les vieilles cités celtiques ; qu’elle établit à côté d’elles, quelquefois autour de leur enceinte ou dans cette enceinte même, des colonies qui prirent une grande importance, et qui furent occupées les unes par des soldats légionnaires, les autres par des citoyens du Latium volontairement émigrés. Auprès des villes gallo-romaines, dont quelques-unes disparaissent sans que l’on sache comment ni à quelle époque, on voit, du Ve au VIIe siècle environ, s’élever un assez grand nombre de cités nouvelles qui se rattachent à une double origine, l’une militaire, l’autre ecclésiastique, ce qui s’explique par les deux grands faits qui dominent notre histoire durant cette période, c’est-à-dire par les invasions barbares et la propagation du christianisme. En effet, les villes fondées à cette époque s’établissent les unes sous la protection des forteresses, castra, qui se multiplient sur tous les points du territoire, comme un refuge toujours ouvert aux populations toujours menacées, les autres dans le voisinage des monastères, qui se multiplient comme les forteresses.

Les conquérans romains qui s’installaient sur le sol, et, parmi les peuplades franques, celles qui se fixèrent, comme les Romains, d’une manière définitive, laissèrent subsister les centres de population qui se trouvaient établis, parce que ni les uns ni les autres n’avaient intérêt à les détruire. Les Normands, qui ne faisaient que passer, agirent différemment ; ils brûlèrent les villes après les avoir pillées, et il y en eut un grand nombre qui disparurent complètement ; mais les désastres de cette dévastation furent réparés au XIIe siècle. Quelques villages reçurent alors un développement considérable ; les cités qui avaient pris part au mouvement communal agrandirent et fortifièrent leur enceinte, et par l’essor de leur industrie et la sécurité qu’elles offraient aux habitans, elles virent rapidement augmenter leur importance. Les seigneurs, de leur côté, alarmés de la prépondérance toujours croissante des populations urbaines, cherchèrent à créer à leur profit de nouveaux centres dans leurs domaines, en établissant des villes auxquelles ils accordèrent des privilèges, souvent fort singuliers, tels que le droit, pour les maris, de battre leurs femmes aussi rudement qu’ils le jugeraient convenable. Les rois de leur côté, Louis VII entre