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leur dette. Les professeurs de l’Université, trop long-temps parqués dans les manuels du baccalauréat, les membres du clergé, les sociétés savantes, se sont associés au mouvement, et il est résulté de ce vaste ensemble d’efforts une série très considérable de travaux qui embrassent, envisagés sous le point de vue historique pour le passé et, sous le point de vue descriptif pour le présent, l’anthropologie, la géographie, l’organisation administrative, judiciaire, militaire, la littérature, la philologie, les beaux-arts, l’industrie, le commerce, etc. Depuis tantôt vingt ans, chaque province comme chaque ville a eu son groupe de travailleurs, et parmi les hommes qui ont rendu aux diverses branches des sciences historiques des services sérieux, on doit citer, pour la Flandre et l’Artois, MM. Warnkoenig, Kervyn de Lettenhove, Leglay père et fils, Brun-Lavainne, A. Dinaux, Tailliar, Harbaville, Achmet d’Héricourt ; pour la Picardie, Rigollot, Dusevel, Bouthors, Labourt, Ch. Dufour, E. Prarond, Buteux ; pour la Normandie, Chéruel, Deville, Ch. Richard, l’abbé de La Rue, Floquet, de Caumont, de Fréville, Le Prévost, Bonnin, de Chennevières, Léopold Delisle, Charma, professeur à la faculté de Caen, qui s’est occupé avec succès d’études sur les philosophes anglo-normands des XIe et XIIe siècles. Dans les belles et industrieuses provinces que nous venons de mentionner, les recherches sont opiniâtres, obstinées comme le caractère des habitans ; les études, positives comme leur esprit. Il y a dans la Flandre et la Picardie, qui se souviennent de leurs grandes communes, une préoccupation constante de la politique et du droit, et chez les Normands, qui se souviennent d’avoir été un grand peuple, le patriotisme élevé qu’inspirent de glorieux souvenirs. Moins développées peut-être et moins actives dans le reste de la France, les études locales ont produit pour les autres provinces des travaux qui, sans être aussi nombreux, sont cependant très estimables. L’histoire littéraire, la statistique historique et l’ancienne géographie du Maine ont été curieusement et savamment étudiées par MM. Hauréau, Pesche et Cauvin ; MM. Maillard de Chambure, Émile Jolibois, Peignot, Victor Fouque, Flandin, Édouard Clerc, Duvernoy, de Persan, se sont attachés à la Franche-Comté et à la Bourgogne, Marchegay et Mellinet à l’Anjou, Massiou à la Saintonge et à l’Aunis, Raynal au Berri, de Courson et de La Villemarqué à la Bretagne, Mary Lafon aux provinces du midi, Terrebasse à l’ancien royaume et Alexandre Thomas à l’ancienne province de Bourgogne, le docteur Long à Valence, de Castellane à Toulouse, Boissieux et Caumarmont à Lyon[1] ; enfin

  1. Parmi les écrivains que nous nommons ici, un grand nombre ont pris, comme les archéologues dans leur science, une spécialité distincte : ainsi, MM. Warnkoenig, de Lettenhove, Leglay fils ont publié des histoires générales de la Flandre, ou l’histoire particulière de ses comtes ; MM. Tailliar et Bouthors ont traité le droit municipal ou le droit coutumier ; M. Ch. Dufour, la bibliographie picarde ; M. Chéruel, les communes normandes ; M. Labourt, l’origine des villes ; de Fréville, le commerce ; M. de Chennevières, l’art provincial ; M. Buteux, la géologie ; M. Mellinet, la commune et la milice de Nantes ; M. de Courson, l’origine et les institutions des Bretons armoricains ; M. de La Villemarqué, les traditions et les chants populaires de la Bretagne. D’autres, tels que MM. Rigollot, Dusevel, Achmet d’Héricourt, Émile Jolibois, Ch. Richard, de Caumont, Maillard de Chambure, Prarond, etc., ont embrassé les diverses branches de l’histoire locale, et forment ce qu’on pourrait appeler le groupe des polygraphes. Il est à regretter que ces œuvres, si variées et si intéressantes pour le pays, ne se trouvent, dans aucune de nos grandes collections publiques de livres, réunies de manière à former un tout complet et à présenter dans leur ensemble la bibliothèque de nos anciennes provinces. C’est bien le moins qu’on puisse trouver à Paris les livres qui traitent de la France, comme on trouve à la Bibliothèque de la ville de Paris les ouvrages écrits sur la capitale.