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dans sa naïveté, ce sont les œuvres d’un art tombé dans l’engourdissement de la vieillesse. Il semble qu’aux États-Unis la gravure débute par la décadence, ou tout au moins par une sorte d’état négatif que ne vient troubler aucun élan vers le progrès. On a le droit de supposer que la nation américaine ne trouve pas dans sa propre école de peinture des ressources fort étendues, puisqu’elle reçoit annuellement des cargaisons de tableaux qui lui sont expédiées d’Europe : toutefois elle peut opposer le nom de quelques peintres à ceux des peintres anglais les plus célèbres, réclamer Benjamin West comme une de ses gloires, et rapprocher de Wilkie M. Woodwille ; mais dans l’art de la gravure y a-t-il jamais eu un seul talent dont elle doive s’enorgueillir ? La plupart des estampes que l’on édite aux États-Unis sont exécutées en manière noire ou à l’aqua-tinta, et c’est presque uniquement à l’ornementation des billets de banque ou des cartes d’adresses de négocians que se consacrent les graveurs au burin. Quelques-uns de ceux-ci ne manquent ni d’expérience, ni jusqu’à un certain point, d’habileté. S’il fallait absolument trouver un spécimen de l’art américain, peut-être devrait-on le choisir parmi les œuvres de cette espèce, plutôt que dans les travaux d’un autre ordre, imitations malheureuses de la manière anglaise, et qui n’ont d’original que l’intention patriotique. En retraçant presque toujours quelque fait relatif à la fondation de la république, quelque scène de la vie de Washington, les graveurs semblent chercher beaucoup moins à honorer leur pays par leur talent qu’à lui rappeler la grandeur de son histoire : calcul peu juste assurément, mais qui ne peut avoir pour base qu’un excès d’abnégation personnelle. C’est sans doute en vertu d’un raisonnement semblable qu’on en est venu à préférer aux estampes les produits du daguerréotype. Puisqu’aux États-Unis on ne s’intéresse en fait d’art qu’au sujet représenté et qu’on y estime peu le mérite de l’interprétation, il était naturel qu’on accueillît avec enthousiasme l’importation d’un procédé qui satisfait mieux qu’aucun autre à la seule condition exigée. Beaucoup d’artistes comprirent qu’il leur serait au moins difficile de lutter avec un tel rival. Ils renoncèrent à leurs occupations habituelles pour se livrer à de nouvelles études, et ils parvinrent à introduire dans l’emploi du daguerréotype des perfectionnemens dont la science a tenu compte ; d’autres, parmi lesquels se distingue M. Davignon, dessinent sur pierre des portraits ou des paysages ; mais on ne compte à New-York ou à la Nouvelle-Orléans qu’un très petit nombre de graveurs, et leurs travaux ne sont pas de nature à autoriser un fort sérieux espoir pour l’avenir de l’art en Amérique. Le Washington prononçant devant l’assemblée son discours d’ouverture, estampe gravée par M. Sadd d’après M. Matteson, est peut-être une traduction fidèle du tableau, et sous ce rapport nous ne pouvons nous permettre de la