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les œuvres de l’école, quand ailleurs elles étaient accueillies avec un si vif empressement ? L’aristocratie donna l’exemple : tous les hommes occupant en Angleterre une grande position sociale crurent de leur devoir de souscrire les premiers aux publications de quelque importance. Par esprit d’imitation ou par patriotisme, la haute bourgeoisie prétendit à son tour favoriser l’extension de la gravure, et lorsque, quelques années plus tard, parurent les vignettes sur acier[1] et les livres illustrés, la modicité de leur prix permit à tout le monde d’en faire l’acquisition. Insensiblement on s’accoutuma à avoir chez soi des estampes, comme on y avait des superfluités d’autre sorte, et, l’usage se répandant de plus en plus, les graveurs purent à peu près compter sur le débit de leurs ouvrages, quels qu’ils fussent. C’est ce qui a lieu encore aujourd’hui. À Londres, toute publication nouvelle a un certain nombre de souscripteurs assurés et de droit, pour ainsi dire. De là cette facilité avec laquelle les travaux se multiplient, les perfectionnemens matériels qui en rendent le résultat plus prompt ; mais de là aussi ce caractère uniforme et de convention que présentent les estampes anglaises. Les graveurs ayant affaire à un public peu exigeant, parce qu’au fond il n’a pas l’instinct de l’art, se dispensent de tout effort sérieux ; le texte une fois choisi, il suffit de le développer suivant les formes ordinaires pour que les conditions semblent remplies aux yeux de tous, et l’on regarde comme le signe du mérite ce qui témoigne seulement de l’immobilité du goût. Si l’on juge de l’importance actuelle de l’école anglaise par la quantité des produits, on trouvera qu’il n’est pas d’école plus florissante : si, au contraire, on s’attache à la qualité des œuvres, il sera facile de reconnaître que celles-ci n’ont qu’un éclat artificiel, une valeur de fantaisie ; quelque fois encore elles peuvent séduire, jamais elles ne réussissent à captiver, parce que l’art y est empreint surtout d’habileté mécanique, et qu’il ne procède pas du sentiment.

On pourrait à plus forte raison s’expliquer ainsi la médiocrité des estampes produites de nos jours en Amérique. Peu nombreuses encore (et jusqu’à présent on ne saurait se plaindre de leur rareté), elles ne se recommandent ni par l’élévation du talent, ni par l’originalité du style. On y sent moins l’inexpérience matérielle que l’insuffisance de l’imagination : ce ne sont point les essais d’un art naissant et vivace

  1. On sait que la gravure sur planches d’acier se prête à un tirage presque illimité avantage immense au point de vue commercial, et qui l’a fait préférer avec raison à la gravure sur cuivre pour l’exécution des petites pièces. Depuis quelques années cependant, la gravure sur acier est tombée en défaveur à son tour. On y a renoncé presque absolument dans l’illustration des livres, et on applique aux travaux de ce genre la gravure sur bois, qui donne, au moyen du clichage, des épreuves aussi nombreuses que les épreuves fournies autrefois par une planche d’acier.