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commencée aujourd’hui ; elle va se poursuivre sous nos yeux, et si elle est possible, ne peut-on pas dire que le général Narvaez a singulièrement contribué à ce résultat ? Ne peut-on pas dire qu’il a servi puissamment à amener cet état où un changement considérable de personnes dans les régions ministérielles a pu s’accomplir sans que cette crise devînt menaçante pour le pays tout entier ?

Le général Narvaez en effet, aujourd’hui, n’est plus président du conseil, et il est même hors de l’Espagne. Il avait subi victorieusement l’épreuve de la lutte ; il lui en restait, à ce qu’il paraît, une à traverser qui n’était pas la moins sérieuse et la moins critique : celle d’une paix incontestée et d’un succès politique qui avait dépassé toute espérance. C’est au lendemain d’élections qui avaient présenté ce curieux spectacle de l’élimination à peu près absolue de toutes les oppositions dans le congrès, que le duc de Valence a senti le sol trembler sous lui. Il n’est point tombé, il s’est retiré très volontairement le 10 janvier ; il occupait le pouvoir depuis le 4 octobre 1847. On a recherché, avec une certaine curiosité, les causes de la retraite du général Narvaez ; on a imaginé, des circonstances presque tragiques, des menaces d’arrestation, sans songer qu’un homme arrivé à cette hauteur, et qui a eu à passer par des crises bien autrement périlleuses, ne se laisse pas à ce point surprendre par les événemens et ne quitte pas le pouvoir comme un aventurier. D’autres se sont plu à broder sur la crise politique des incidens ridicules ; il n’est pas enfin jusqu’à de singuliers nouvellistes de la Porte du Soleil qui n’aient pu croire un moment, assure-t-on, que le général Narvaez allait, je ne sais où, ramasser une armée pour marcher probablement sur Madrid. La vérité est plus simple que cela.

Si le général Narvaez comptait une immense majorité dans le congrès, s’il n’avait rien à redouter du palais, et ici je veux dire de la reine elle-même et du roi, il est certain aussi qu’il s’était élevé à plusieurs reprises, depuis quelque temps, entre la reine Christine et le président du conseil, quelques nuages de nature à troubler la netteté de la situation du cabinet espagnol. La reine Christine a rendu d’éminens services à l’Espagne par sa haute intelligence, par son énergie dans les momens les plus critiques de la guerre civile : ce sont des services que le pays ne saurait oublier. Par malheur, le jour où sa situation personnelle s’est compliquée d’intérêts nouveaux, où elle n’a plus été simplement, exclusivement la reine-mère, il y a eu là le germe de difficultés de plus d’un genre. L’esprit supérieur de la reine Christine a su souvent réduire à leur valeur ces difficultés, mais pas toujours au point qu’il n’y ait pas eu quelques froissemens pour le gouvernement de sa fille, qu’il ne se soit parfois manifesté soit de sa part, soit de la part de ceux qui l’entourent le plus immédiatement, une action peu conforme à celle du chef du ministère qui vient de se dissoudre.