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transformation de la législation douanière, à laquelle M. Mon a attaché son nom, et qui avait arrêté jusqu’alors tous les gouvernemens, soit par les questions d’influences internationales, qui s’y mêlaient, soit par les habitudes qu’il y avait à dompter dans le pays. La situation du clergé a été réglée par la restitution des biens de l’église non vendus, avec un supplément de dotation, et il ne reste aujourd’hui à résoudre, par les négociations amicales suivies avec Rome, que la question des circonscriptions ecclésiastiques. L’administration civile a regagné, avec la renaissance des habitudes d’ordre, une sorte d’efficacité qu’elle avait perdue depuis long-temps. Un remarquable mouvement a été imprimé à la marine nationale, qui a été doublée en peu de temps, aux travaux industriels, aux intérêts pratiques ; aujourd’hui surtout, par les tableaux mensuels des revenus de l’état que publie le gouvernement, il est facile de remarquer les progrès de la fortune publique ; en comparant les revenus des derniers mois de 1850 à ceux des mois correspondans de 1849, on trouve une amélioration de plus de 30 millions de réaux sans qu’aucun nouvel impôt ait été créé.

À quelles causes peut-on attribuer cette paix dont l’Espagne a joui au milieu de la crise européenne, qui a rendu possibles déjà de sérieux résultats, et ne peut qu’être la source, en se maintenant, d’améliorations nouvelles ? Il y a sans doute à faire la part du bon sens national, je l’ai dit. La Péninsule en outre, qui nourrit bien des germes de guerres civiles, contient bien moins que d’autres pays de ces élémens de guerres sociales, de guerres industrielles que la révolution de février est ailleurs venue enflammer ; mais, de toutes les causes que je pourrais énumérer encore, une des principales assurément, c’est qu’il se soit trouvé, au-delà des Pyrénées un homme pour donner au bon sens national la satisfaction d’une légitime victoire, pour empêcher la reproduction factice de nos luttes trop réelles, et pour dire à la révolution le vieux mot : Tu n’iras pas plus loin ! Ici visiblement les qualités du général Narvaez avaient à se développer à un degré plus éminent, sur un théâtre plus large et dans des conditions qui dépassaient l’horizon même de l’Espagne. Avoir mis sous la protection de son épée pendant plus de deux années un des plus grands mouvemens de raffermissement national, avoir montré le salutaire exemple de l’ordre social intact dans un pays accoutumé à suivre le branle de toutes les révolutions, avoir enseigné l’art d’empêcher les conspirations, comme il le disait avec esprit, c’est là ce que j’appelle le côté européen du rôle du duc de Valence en Espagne.

Ce qui distingue le général Narvaez dans sa vie politique comme dans sa vie militaire, c’est évidemment le don vigoureux de l’action. Chef de gouvernement dans un pays constitutionnel, il a bien fallu qu’il se pliât aux habitudes parlementaires, qu’il parlât en un mot.