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la Péninsule par le régime déchu jusqu’à la révolution de février. Que n’a-t-on point dit, des deux côtés des Pyrénées, sur les rapports des deux gouvernemens ? Protectorat égoïste et ambitieux d’un côté, disait-on, — servilité intéressée de l’autre ! Le protectorat est tombé pourtant ; le roi Louis-Philippe a été jeté en quelques heures du trône dans l’exil, et ce gouvernement modéré est resté debout en Espagne, plus vivant que jamais, ralliant à lui toutes les forces nationales. Bien mieux, la France républicaine, dans ses relations avec ce gouvernement, n’a point trouvé d’autre politique à suivre que celle dont il recueillait la succession. Cela est si vrai, que, lorsque les chefs de la république nouvelle ont pu reprendre un peu de sang-froid, on les a vus seconder les efforts du général Narvaez, et ils n’avaient point tort, bien au contraire : ils ne faisaient que se conformer à la vérité de la politique française. Après comme avant la révolution, les intérêts de la France en Espagne sont les mêmes ; ils résident plus encore que par le passé dans l’existence d’un gouvernement modéré et vigoureux au-delà des Pyrénées ; et ce qui reste comme le monument de l’ignorance bavarde et malfaisante des partis, ce sont ces déclamations à l’aide desquelles les brouillons de tout étage ont réussi peut-être, il y a quelques années, à fausser le sens public sur la vraie nature de ces intérêts.

Ce n’est pas seulement au point de vue de ses rapports avec l’Angleterre et avec la France que la révolution de février a été pour l’Espagne une occasion d’affranchissement, c’est aussi au point de vue de sa politique intérieure, grace à l’énergique décision avec laquelle a agi le cabinet de Madrid. Ce qui a sauvé infailliblement la Péninsule d’une crise plus grave, c’est qu’elle s’est sentie immédiatement dirigée, protégée, garantie contre ses propres incertitudes, et elle a laissé passer sans s’émouvoir des tentatives qui ont pu, à diverses reprises, ensanglanter le sol espagnol sans l’ébranler. Le danger pouvait venir de deux côtés au-delà des Pyrénées : — d’une explosion nouvelle de la démagogie ou du réveil de la question dynastique. Ce double danger s’est montré en 1848, et il s’est évanoui devant la répulsion ou l’indifférence nationale et devant la fermeté du gouvernement. Là aussi on a pu voir se transformer en élément de sécurité et de raffermissement l’audacieuse menace des factions intérieures coalisées ; ce double danger écarté, l’Espagne a pu se livrer aux soins de sa régénération politique. Tandis que nous dilapidions notre fortune, elle mettait un peu d’ordre dans la sienne ; tandis que nous nous hasardions bruyamment dans la voie des stériles essais, elle se consacrait dans le calme à d’utiles travaux de réorganisation, elle réparait lentement les désastres de quinze années de luttes violentes et anarchiques. La révolution de février a été pour la Péninsule le point de départ d’une série d’œuvres politiques et de réformes, dont la moindre n’est point certainement la