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de plus. De cette différence de tempérament entre l’homme et le parti, il peut résulter parfois quelques froissemens ; mais la pensée est la même, le but est commun, et leur fortune se lie. Le général Narvaez a été successivement nommé depuis 1843 capitaine-général de l’armée et duc de Valence, et il s’est élevé à la position de président du conseil qu’il occupait il y a quelques jours encore.


II

Cette date de 1843 est pour l’Espagne le point de départ d’une situation nouvelle qui dure encore, qu’on peut appeler le règne de la politique modérée, mais qui a eu à passer par des phases et des épreuves diverses. Elle a eu à se dégager de la confusion des premiers momens au lendemain d’une victoire due à une coalition contre la régence du duc de la Victoire ; elle a eu à traverser une de ces crises de décomposition intérieure, de démembrement, qui éclatent souvent dans le triomphe même des partis ; elle a eu à soutenir l’épreuve d’une révolution extérieure qui enveloppait l’Europe et se propageait de toutes parts avec la rapidité sinistre d’un incendie. Ces périodes diverses se sont déroulées sous nos yeux dans la situation politique de l’Espagne. Le général Narvaez n’a point été constamment ministre dans cet espace de sept années ; mais on peut dire qu’il représente et domine chacune de ces phases, parce qu’il vient successivement les dénouer par son influence, par son énergie et son habileté, parce qu’il apparaît aux yeux de tous comme l’homme nécessaire de ces momens difficiles. La lie des révolutionnaires de Madrid ne s’y trompait pas à la fin de 1843, lorsqu’elle multipliait les attentats contre lui, et frappait mortellement ses aides-de-camp à ses côtés. Faute de l’atteindre, les balles des assassins désignaient à leur manière le général Narvaez au pouvoir.

Le mouvement de juillet 1843, qui a abouti au renversement de la régence du duc de la Victoire et à la déclaration anticipée de la majorité de la reine Isabelle, était le produit de l’alliance des grandes forces modérées et progressistes de l’Espagne constitutionnelle ; mais en réalité c’était un mouvement tout conservateur, né du réveil de l’instinct monarchique froissé par Espartero. La pensée, le mot de ralliement, les généraux qui avaient vaincu étaient modérés, et au lendemain de la victoire, en présence des passions frémissantes, c’était encore le général Narvaez qui intimidait l’émeute à Madrid, réprimait avec une incomparable vigueur les séditions militaires près de renaître, faisait chaque jour un peu de terrain stable aux hommes publics pour refaire un gouvernement, et animait tout ce monde, à vrai dire, de son feu, de son esprit et de son courage. Tout le travail politique de