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plus graves ; il demanda à se retirer à Loja, en Andalousie, où allait venir le prendre, pour le jeter en exil, un de ces coups de vent imprévus et si fréquens en Espagne.

On voit quelle était la situation de la Péninsule à la fin de 1838. Espartero dominait les résolutions du gouvernement, du quartier-général de l’armée du nord. Le faible ministère Pita-Alaix se dégageait d’un pénible enfantement de trois mois. Le parti modéré flottait entre son désir de voir se terminer la guerre et son aversion mal dissimulée pour Espartero. Narvaez, qui avait été un moment l’un des hommes indiqués pour un grand rôle politique autant que militaire, se retirait dans l’Andalousie. La lutte était au fond des choses. Narvaez était déjà sur la route de Loja, lorsqu’on apprit qu’un mouvement singulier avait éclaté à Séville le 12 novembre 1838. Le comte de Clonard, capitaine-général, avait été séparé de ses fonctions, comme on dit en Espagne. Une junte s’était formée et elle était présidée par le général Cordova, qui se trouvait à cette époque en Andalousie. M. Cortina, aujourd’hui l’un des chefs du parti progressiste, rejoignait en même temps Narvaez à la Carlota dans la Sierra-Morena, pour lui offrir la vice-présidence avec un commandement militaire et lui remettre une lettre de Cordova, le pressant d’accepter. La première réponse de Narvaez fut un refus ; puis il se rendit pourtant à Séville, dont il était le député aux cortès et où son nom avait un puissant prestige depuis Majaceite. En quelques jours, il ne restait plus rien de l’insurrection de l’Andalousie. Quel était au fond le sens de ce mouvement ? Le pronunciamiento de 1838 à Séville est resté l’un des faits les plus obscurs de l’histoire contemporaine de l’Espagne. Il y avait des progressistes dans la junte insurrectionnelle, et ces progressistes appelaient à leur tête le général Cordova, qui manifestait hautement ses sentimens conservateurs en acceptant la présidence. Un des articles du programme du pronunciamiento était la formation de la fameuse armée de réserve. Tout se confondait dans ce mouvement imprévu ; tout s’y produisait à l’état de symptôme plutôt que de manifestation politique nette et précise. Il faut se souvenir que, sous l’impression des crises ministérielles qui étonnaient et irritaient le pays, déjà à Madrid même une vive émotion avait éclaté le 3 novembre. Valence était le théâtre de semblables agitations. Comme ces scènes diverses, le pronunciamiento de Séville ne s’explique que par la promptitude des passions populaires à s’emparer des crises politiques et à se montrer quand l’impuissance du gouvernement éclate trop à nu. Dans quelle mesure Cordova et Narvaez avaient-ils participé à ce mouvement ? Des lettres confidentielles du premier de ces généraux permettent de mieux déterminer aujourd’hui le caractère de cette participation. Tout indique qu’elle était purement modératrice, pacificatrice. « Sans autorités, écrivait Cordova à Narvaez