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en une véritable guerre, et, si de pompeux bulletins ont singulièrement exagéré parfois les proportions des rencontres qui s’y produisent, il est certain du moins qu’on s’y bat intrépidement et qu’on y verse son sang des deux côtés. Cette campagne de la Catalogne fut pour Narvaez une première occasion de montrer sa bravoure. L’armée constitutionnelle était devant Castellfollit, petite ville occupée et vigoureusement défendue par les insurgés royalistes. Narvaez se chargea d’aller, sous le feu de l’ennemi, pratiquer une mine au pied des murs d’un des forts de la place : il y réussit en effet, et tomba au moment même percé d’une balle dans les reins ; mais le fort sauta et lança dans l’air les cadavres de ses défenseurs. Ce n’est là qu’un des exemples de cette étrange énergie qu’on peut si souvent remarquer dans les guerres civiles de l’Espagne. Ni la blessure reçue par Narvaez devant Castellfollit, ni sa participation à la journée du 7 juillet ne pouvaient être, on le pense, une puissante recommandation après la restauration de 1823. Narvaez se retira à Loja, sa ville natale, jusqu’au moment où la mort de Ferdinand VII vint laisser à l’Espagne les chances militaires d’une guerre de succession et les difficultés politiques d’une régence. Narvaez reparaît alors sur la scène, comme un des soldats de l’armée d’Isabelle II. L’avenir se rouvre devant lui, l’horizon s’élargit, et l’homme grandit avec les circonstances ; il ne cesse de s’élever dans la guerre civile et jusqu’à ce jour.

Cette guerre civile, qui a duré sept ans, — de 1833 à 1840, — qui a usé tant d’hommes et a fait passer l’Espagne par une des crises d’anarchie les plus terribles qu’un pays puisse traverser, présente, au point de vue militaire même, un phénomène qu’il ne faut pas négliger, parce qu’il a un sens politique : c’est un symptôme pour l’avenir. Ainsi, ce n’est point dans l’armée proprement dite que la cause carliste a recruté ses soldats les plus déterminés, à quelques exceptions près, entre lesquelles, il est vrai, se trouve Zumalacarregui, qui avait été colonel sous Ferdinand VII. Ceux qui venaient de l’armée dans les rangs carlistes ont été plutôt la faiblesse secrète du parti, on l’a bien vu par Maroto. Partout ailleurs qu’au quartier-général, c’étaient d’audacieux cabecillas sortis du néant, les Carnicer, les Cabrera, les Serrador, les Quilez, les Tristany, qui tenaient la campagne. J’en veux conclure que la cause carliste n’avait que peu de racines dans la portion régulière du pays. D’un autre côté, dans l’armée de la reine elle-même, ceux qui ont le plus contribué à l’affermissement de la royauté d’Isabelle II, ce ne sont pas les anciens généraux, bien moins encore les généraux émigrés qui arrivaient en Espagne avec leurs illusions aigries de libéralisme et, de plus, avec cette inaptitude fatale qu’amène une longue inaction. Jusqu’au moment où Cordova vint prendre le commandement de l’armée en 1835 et ramener la victoire sous le drapeau