Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette fougue, et qui connaît l’empire d’une résolution vigoureuse sur les hommes. C’est un lion qui a du renard en lui, me disait quelqu’un qui le jugeait sévèrement, et, qu’on le remarque bien, cette alliance se retrouve parfois dans les plus rares organisations.

Don Ramon ne pouvait évidemment, par son âge, prendre aucune part à la guerre de 1808 ; ce n’est qu’après 1815 qu’il entrait comme cadet dans les gardes wallons, devenues depuis le 2e régiment d’infanterie de la garde royale. Si Narvaez a obtenu par la suite ses grades sur le champ de bataille, on sera peut-être étonné d’apprendre que celui qu’on traite parfois comme un soldat ignorant était au contraire remarqué alors pour l’étendue de ses connaissances en mathématiques et en sciences militaires. Il étudiait les fortifications et l’artillerie sous don Felipe Valdric, aujourd’hui marquis de Valgornera et l’un des hommes distingués de l’Espagne. Don Ramon était officier en titre sous le régime constitutionnel ou plutôt révolutionnaire de 1820. De telles époques sont très propres à inquiéter et à troubler les vraies natures militaires. Où est le pouvoir ? à qui faut-il obéir ? peut-on se demander ; et l’incertitude de Ferdinand VII durant cette période de 1820 à 1823, la versatilité de ce roi lui-même, qui tantôt se rattachait à la constitution, tantôt s’essayait subrepticement à la détruire, au lieu d’aborder avec résolution et franchise la révision du code de 1812, — cette versatilité, dis-je, n’était point faite pour rallier à un point fixe les volontés flottantes, pour maintenir l’unité dans l’armée à l’ombre du drapeau et à l’abri des suggestions des partis. De cette confusion sont sortis de funestes malentendus, tels que la journée du 7 juillet 1822 où on vit la garde royale se scinder en deux fractions, — l’une allant à l’assaut du régime constitutionnel tel qu’il existait à Madrid, l’autre défendant par les armes ce régime attaqué. Narvaez était de ce dernier côté, et il y était avec les Palarea, les Figueras, les Roncali, les Pezuela, qui avaient devant eux le même avenir militaire, sinon politique. Ceux qui prétendraient mettre le général Narvaez en contradiction avec lui-même, en lui opposant aujourd’hui sa participation à la journée du 7 juillet, tomberaient à mon sens dans une erreur réelle. Que faisait-il autre chose que repousser un de ces actes d’indiscipline militaire auxquels il a toujours été contraire dans sa vie de soldat ? Que faisait-il autre chose que rester au poste où on l’avait placé ? la journée du 7 juillet l822 ne s’explique guère que par l’anarchie profonde où était l’Espagne à cette époque.

Peu après. Narvaez se trouvait en Catalogne sous les ordres de Mina, qui avait été chargé de poursuivre les guerrillas organisées dans ce pays pour le rétablissement du roi absolu, et de déloger la junte suprême instituée à la Seu d’Urgel pour diriger le mouvement insurrectionnel. Tout mouvement politique en Espagne se transforme naturellement