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déclin. Vous avez vu le général Filangieri rattacher victorieusement la Sicile à Naples, et éteindre un des foyers de l’incendie révolutionnaire italien. — Ce que ces hommes énergiques ont été dans leur pays, le général Narvaez l’a été en Espagne. Seulement, là où d’autres avaient à exercer toutes les rigueurs qu’entraîne une répression à main armée, le chef espagnol n’a eu qu’à contenir et à préserver. Je maintiendrai ! tel a pu être son mot, et il a maintenu en effet.

Tandis que l’Europe se remplissait de chocs et de catastrophes, l’Espagne restait calme. Bien mieux, elle choisissait cet instant pour réparer ses désastres intérieurs, pour asseoir sur une base plus fixe sa politique, pour imprimer un nouvel essor à son commerce, à son industrie, à sa marine. Le bon sens national a une large part, sans nul doute, dans une telle situation : croit-on pourtant que le bon sens eût prévalu, s’il n’eût eu pour porte-drapeau un homme résolu et habile ? Imagine-t-on ce qui aurait pu résulter d’un moment d’indécision dans le gouvernement espagnol, sous le coup des événemens européens, en présence des menaces qui déjà se traduisaient en actes d’insurrection à Madrid, à Séville et en Catalogne ? Le général Narvaez a gagné de vitesse la révolution en mettant hardiment le pied sur ses premières étincelles ; il a eu le mérite de savoir ce qu’il devait faire, et il résumait sa politique dans une de ces saillies comme il en échappe parfois aux hommes accoutumés à ne se point laisser déconcerter par le péril. « Si jusqu’ici on a écrit l’art de conspirer, disait-il au congrès le 4 mars 1848, le gouvernement fera en sorte qu’à l’avenir on puisse écrire aussi l’art d’empêcher les conspirations. » C’est la force, dira-t-on encore ; oui, c’est la force, la force mise au service d’une cause juste et puisant dans cette justice même de la cause sa moralité, la légitimité de son action et la raison de son succès. Une chose à considérer d’ailleurs plus particulièrement encore en Espagne qu’en tout autre pays, c’est que ce n’est point un hasard ou le simple fait d’une nécessité momentanée qui a jeté un soldat vigoureux au premier rang dans la politique : si cette prépondérance s’explique par des circonstances exceptionnelles ou par les qualités de l’homme qui en est investi, elle ressort en même temps de l’histoire de la Péninsule, de ses habitudes, et, on peut bien l’ajouter, de ce caractère artificiel qu’a eu depuis long-temps la vie publique au-delà des Pyrénées dans ce qu’elle a de purement civil et politique.

Les influences militaires sont un des élémens essentiels et permanens de l’histoire contemporaine de l’Espagne, et, en dehors même de toute autre explication, cela ne saurait étonner chez un peuple qui attache dans son ame un prix inestimable à l’action. De tous côtés, à travers la variété des événemens qui remplissent l’intervalle de 1834 jusqu’au moment présent, éclate la tendance des partis à se personnifier