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Amadour, qui fonda la chapelle de Notre-Dame, n’était autre que le célèbre Zachée de l’Évangile ; il fait donc remonter son origine aux premières années de notre ère. D’après un petit ouvrage publié à Toulouse, vers 1520[1], l’origine du saint qui nous occupe serait moins orthodoxe. Fils d’un chevalier romain, nommé Preconius, et d’Altea, il n’aurait dû la vie qu’à une convention blâmable faite avec le démon, à qui Preconius, désolé de n’avoir pas d’enfans, aurait promis son premier-né, à condition qu’il aurait plusieurs rejetons. Le diable se saisit de sa proie et voulut l’emporter en Égypte où il résidait ; mais, en passant par les airs au-dessus de l’Égypte, il aperçut saint Paul, et Satan eut une telle frayeur qu’il laissa tomber le fils de Preconius, lequel, recueilli par le grand saint, se fit ermite comme lui et vint terminer sa vie à Roc-Amadour.

Cette légende, déclare fort sérieusement M. Caillau, chanoine du Mans, auteur d’un livre assez récent et fort mystique sur Roc-Amadour[2], cette légende ne vaut pas la peine d’être discutée. Rangeons-nous à son avis, et examinons de préférence l’opinion de M. Caillau lui-même. Selon lui, saint Amadour, solitaire humble et inconnu, dut son nom à sa résidence habituelle ; il passa sa vie agenouillé sur le rocher, ce qui le fit nommer amator rupis, amateur de la roche, d’où la corruption a fait Amadour ; elle en a fait bien d’autres. Il était, d’après M. Caillau, ami de saint Martial et vivait par conséquent au IIIe siècle.

Enfin la voix de l’histoire, qui est plus simple et moins prétentieuse, déclare, et cette version paraît plus acceptable, que saint Amatre, Amator ou Amateur, évêque d’Auxerre, dont on voit encore la statue à Saint-Germain-l’Auxerrois, a donné son nom à Roc-Amadour ; saint Didier, un de ses successeurs à Auxerre, qui était de Cahors, fit transporter, à la prière de sa mère Nicteria, les restes du saint, son prédécesseur, dans les rochers de son pays. Cela se passait au commencement du VIIe siècle, et cette origine, comme on le voit, est encore fort respectable.

Il va sans dire que M. Caillau trouve cette opinion beaucoup trop naturelle, il la combat longuement, en homme à qui la vérité, si elle est simple, ne saurait convenir, et qui veut à tout prix un petit mystère. Ce n’est pas seulement une histoire qu’écrit M. Caillau, c’est un monument qu’il édifie, il le dit lui-même ; il ne vise pas à un succès de librairie, mais bien à gagner le ciel en vertu de sa prose, et il espère avoir réussi. « Ma récompense me sera sans doute assurée, écrit-il dans sa préface, auprès du souverain juge par l’intercession, etc. Ainsi soit-il. » Ajouterai-je, pour compléter cet aperçu

  1. Vida del glorioso confesser sant Amadour. – Colomier.
  2. Histoire critique et religieuse de Notre-Dame de Roc-Amadour, par A.-B. Caillau. Paris, 1834 ; chez Camus, rue de l’Abbaye.