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elle a toujours été secourue par les hommes monarchiques ; elle ne l’a été efficacement que par eux ou grace à eux. Ils lui ont servi de rempart au 15 mai, ils lui ont prodigué leur sang au 23 juin, et leurs votes dans toutes les circonstances décisives. L’assemblée constituante, l’assemblée législative, le haut jury de Bourges et celui de Versailles ont constaté le flagrant délit d’insurrection dans toutes les nuances des hommes de février, depuis M. Ledru-Rollin jusqu’à M. Guinard. Pas un indice de révolte n’a été surpris, bien qu’assidument recherché, dans aucune catégorie des anciens partis monarchiques. Il n’y a pas lieu à des regrets ; mais il y a là un droit à constater, afin de l’exercer librement et fermement, quand l’heure légale en aura sonné. Lorsqu’il sera bien convenu que le passé appartient à tout le monde, peut-être finira-t-on par convenir aussi que l’avenir ne peut être le domaine privé ou le privilège de personne.

La première condition pour rentrer dans le vrai et dans le raisonnable, c’est de se fixer d’abord en commun sur le faux et sur l’absurde. Or, lorsqu’on reconnaîtra qu’une république n’est pas toujours féconde en illustres républicains, on pardonnera plus aisément à la monarchie de n’avoir pas produit constamment de grands monarques. Lorsqu’on sera forcé d’avouer, en jetant les yeux sur le passé ou autour de, soi, que l’acclamation des masses peut se montrer plus aveugle dans ses choix que ne le serait le principe de l’hérédité livré à ses chances, on sera moins prompt à mépriser la sagesse des siècles antérieurs. Quand on aura noté que la loi de succession, en quatorze siècles, ne nous a pas imposé un seul souverain complètement inique ou complètement cruel, et que la loi du nombre brut n’avait pas fonctionné deux ans, qu’elle n’eût déjà courbé la France sous le joug d’un Robespierre, d’un Couthon, d’un Marat, peut-être alors reconnaîtra-t-on qu’un mécanisme électoral, quel qu’il soit, ne dispense pas un pays de lumières et de vertus, qu’aucune institution humaine n’affranchit l’humanité de ses vices originels et des seuls remèdes applicables à ces vices : on renoncera aux panacées universelles, aux infaillibilités de droit populaire comme aux infaillibilités de droit divin ; on cherchera le salut à la lueur de l’expérience, dans les limites du bon sens ; on sera dès-lors fort près de le trouver, et il ne coûtera pas une larme.


A. DE FALLOUX.