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pour l’agriculture et la justice, et furent également approuvés. Le général Cavaignac ajouta qu’il ne prévoyait aucune objection au maintien de M. Carnot dans le ministère de l’instruction publique M. Vivien avait bien voulu jusque-là porter la parole en notre nom ; d’autres la demandèrent alors et causèrent une très visible impression d’étonnement au général Cavaignac, en lui disant que plusieurs circulaires de M. Carnot, que certaines de ses tendances éveillaient beaucoup d’inquiétudes dans une portion considérable du pays ; que les idées de M. Carnot, trop sincères chez lui pour être mobiles, seraient tôt ou tard une pierre d’achoppement avec la majorité ; qu’il fallait, autant que possible, prévenir ces crises et les épargner à l’autorité qu’on s’efforçait de reconstituer. Le général Cavaignac nous répondit alors que les polémiques sur l’enseignement étaient vaguement arrivées jusqu’à lui en Algérie, qu’il y était toujours demeuré étranger, qu’il ne pouvait nous répondre sur des faits, sur des points de vue qui se présentaient à son esprit pour la première fois ; que, du reste, il avait compris la portée de nos objections contre M. Carnot, qu’il allait en référer à ceux de ses collègues que nous considérions comme faisant déjà partie du ministère, et qu’il en causerait volontiers de nouveau avec nous dans le courant de la journée. L’entretien avait duré trois quarts d’heure ; les explications données par le général Cavaignac, les sentimens exprimés par lui nous avaient pleinement satisfaits ; nous étions sûrs aussi de l’avoir convaincu de notre adhésion. Le général était attendu à huit heures pour une grande revue des gardes nationales de province devant le péristyle de l’assemblée. Nous nous séparâmes donc, ajournant à l’après-midi le seul point demeuré en litige, le ministère de M. Carnot.

Nous revînmes vers une heure au salon de la présidence ; le général était absent. M. Sénard nous reçut à sa place ; il nous dit que l’incident relatif à M. Carnot les mettait tous dans un embarras véritable, qu’il appréciait parfaitement les motifs de notre résistance, mais que le général, de premier mouvement et comme chose qui ne pouvait souffrir de difficulté, avait, dès la veille, parlé à M. Carnot de son maintien au ministère, qu’il se considérait donc comme lié, vis-à-vis de lui, et que, si M. Carnot lui-même ne le déliait pas, l’embarras courait risque de devenir inextricable. Ce discours de M. Sénard était appuyé d’assurances positives sur le désir qu’éprouverait le ministère de voir l’instruction publique dirigée dans un sens moins imprudent. Nous offrîmes alors de prendre sur nous la responsabilité des premières ouvertures à M. Carnot. M. Sénard accueillit notre offre, et, au bout de quelques minutes, envoya M. Carnot dans le salon où nous étions demeurés pour l’attendre. Nous exposâmes avec beaucoup de franchise à notre honorable collègue les sentimens d’estime et les motifs de dissidence qui