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de l’état et un pouvoir nécessairement désarmé. Elle s’est affaissée moins devant l’émeute que sous les décombres de la monarchie, qui croulait à quelques pas d’elle. Tant que la royauté était debout, c’était elle qui disposait de tous les moyens de défense. Entre le moment où la royauté disparut et celui où la chambre pouvait saisir une succession momentanée, il n’y eut que l’intervalle entre l’éclair et la foudre. On pourrait même citer des fautes ou des défaillances individuelles, que la chambre collectivement et politiquement ne serait pas pour cela responsable de la défaite du 24 février : son rôle y fut secondaire, tandis que l’assemblée constituante, assumant en elle tous les attributs de la souveraineté, en résumait aussi tous les devoirs.

Ceux qui préparèrent le 15 mai devaient être conduits jusqu’à cette conséquence : notre préférence individuelle est au-dessus du suffrage universel ; aussi l’ont-ils érigée en axiome devant la cour de Bourges. Ceux qui ont vigoureusement repoussé l’agression ont sauvé la république, comme on sauve les monarchies, comme on sauve toute forme sociale régulière. Ceux qui n’ont fait ni l’un ni l’autre ont perdu le droit d’adresser désormais à personne un reproche en matière de gouvernement et de salut public. Eux-mêmes ne pouvaient conjurer la sévérité de l’opinion qu’en proclamant plus tard à la tribune le trouble et le remords de leur cœur ; ils n’en eurent pas la force et n’en reçurent pas l’exemple dans les explications données par M. Buchez. C’est que, dans de pareilles circonstances, dans l’amertume de tels échecs, la franchise est, de toutes les formes que peut emprunter le courage, la plus rare et la plus difficile. Du reste, il y a dans le monde plus de repentirs que d’aveux. On doit le penser surtout du monde politique et puiser dans cette pensée beaucoup d’espérances pour son pays, lors même que les actes et les discours semblent encore le plus opposés à ce que l’on espère.

Le lendemain de cette journée pouvait donc être plus mémorable encore que cette journée même, si l’on n’eût pas mis tous ses soins à en éluder les côtés onéreux et les obligations réparatrices. La légèreté joua de nouveau un plus grand rôle que l’obstination et la mauvaise foi ; les préoccupations littéraires se firent jour au détriment des plus graves soucis politiques. On pourrait citer à cet égard de piquantes anecdotes.

Quant à la république, elle continua à marcher, comme elle avait fait jusque-là, sans impulsion, sans initiative. Le préfet de police, sous les yeux duquel ces événemens venaient de s’accomplir, était encore vanté comme le modèle des gardiens vigilans. Beaucoup d’activité fut déployée dans les couloirs de l’assemblée pour prévenir un vote qui lui fût défavorable. M. Caussidière se retira de lui-même par une démission dédaigneuse ; sa fierté et la mollesse du pouvoir égarèrent le public et assurèrent sa réélection. On était déjà si fatigué de l’inertie, qu’on