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pour vaincre la défaveur qui depuis plus de vingt ans s’est attachée aux originaux : défaveur excessive, il faut le dire, et, à beaucoup d’égards, aussi irréfléchie que l’avait été la passion pour le genre académique. On était allé au-delà de la vérité en proclamant David un homme de génie ; on reste en-deçà en lui déniant un grand talent. On a voulu lui faire porter la peine du long ennui imposé à la France par ses imitateurs, comme on a prétendu rendre nos poètes du XVIIe siècle responsables de la stérilité des versificateurs du XIXe. Il semble toutefois qu’un sentiment de critique désintéressée succédera bientôt à l’enthousiasme et au dédain extrêmes dont les œuvres de David auront tour à tour été l’objet. Peut-être reconnaîtra-t-on alors au peintre des Sabines un mérite et des défauts analogues à ceux du tragique italien Alfieri. Tous deux, dans leurs compositions équilibrées comme les lignes d’un bas-relief ont plus d’une fois poussé la réserve jusqu’à la monotonie, la correction jusqu’à l’aridité ; mais ils ont su donner à des types trop absolus pour figurer la vie des formes d’une pureté sévère et un caractère imposant.

Maître, comme l’axait été Lebrun, d’imposer son propre système à tous les artistes, David aurait pu sinon restaurer l’école de gravure, du moins en renouveler les élémens, et lui rendre l’unité en coordonnant à son point de vue les efforts isolés. Non-seulement il ne l’essaya pas, mais il est même assez difficile d’apprécier quel fut son ascendant sur les graveurs de son temps, et de comprendre nettement ce qu’il leur recommandait d’exprimer. On devrait supposer que son goût pour la forme châtiée le portait à exiger d’eux qu’ils insistassent sur le dessin sans se préoccuper beaucoup de la couleur et du clair-obscur ; pourtant la plupart des estampes gravées d’après ses tableaux sont à la fois chargées de ton et mollement dessinées ; elles offrent un mélange de dureté dans l’effet et d’indécision dans le modelé qui donne à l’ensemble un aspect équivoque et bâtard. On n’y retrouve rien de la manière arrêtée du peintre, on n’y retrouve pas davantage le style de l’ancienne école : ce n’est pas dans ces faibles estampes, encore moins dans les planches du grand ouvrage sur l’expédition d’Égypte qu’il faut chercher les traces des talens que possédait alors la France.

Les rares artistes qui ne relevaient qu’indirectement de David, comme Regnault, ou qui avaient osé, comme Prudhon, se créer une méthode entièrement indépendante, étaient en faveur auprès d’un public trop restreint pour que leurs couvres fussent souvent reproduites et servissent à améliorer le faire des graveurs. Regnault cependant avait vu, vers la fin du siècle précédent, son tableau de l’Éducation d’Achille, gravé par Bervic, attirer l’attention générale et obtenir, grace à l’habileté de l’interprétation, un succès presque égal à celui des tableaux de David. Quelques années plus tard, Bervic s’était proposé