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Joseph de Salcedo avait fait paver de barres d’argent la rue qui conduisait de l’entrée de la ville de San-Luis à sa maison ; le vice-roi accepta les barres d’argent et fit mettre Salcedo aux fers. L’on afficha la nuit même sur la porte de son logis la menace suivante :

Conude de Lemos,
Amainemos,
O si no verremos.
Comte de Lemos,
Adoucissons-nous,
Ou nous verrons.

L’on porta ce pasquino au vice-roi, qui écrivit au dessous :

Mataremos,
Haorcaremos,
Despues verremos.
Nous tuerons,
Nous pendrons,
Après nous verrons.

Et il fit replacer le pasquino sur la porte. On pendit en effet les chefs des deux partis, et José Salcedo fut desgarotado (étranglé) à la porte de sa riche mine d’argent, que l’on confisqua au profit de la couronne.

Don Gaspard, plus avisé que son frère, n’avait pas attendu l’arrivée du vice-roi ; il était passé en Espagne, où il demanda restitution de la mine et justice pour la mort de don Joseph. Dans son mémoire au tribunal des Indes, il représenta combien l’état avait perdu par la mort du mineur qui, dans l’espace de deux années et demie, avait payé au trésor deux millions de piastres de quinto, ce que constatait la déclaration officielle d’un produit de 10 700 000 piastres (43 700 000 francs). Après sept années de sollicitations et de dépenses ruineuses, il gagna son procès, et la mine lui fut rendue ; mais, pendant ce long espace de temps, l’eau avait pénétré partout, et la mine, pour être exploitée de nouveau exigeait des capitaux considérables. Malheureusement, ce qui restait de fortune à don Gaspard avait été dépensé en procédure ; il mourut dans la misère, lui, possesseur d’immenses trésors, et la mine fut long-temps abandonnée. À plusieurs reprises, on tenta des travaux qui, mal dirigés, n’aboutirent qu’à la ruine de ceux qui les avaient mal entrepris. C’est cette même mine que M. B. a recommencé d’exploiter il y a plusieurs années, et dont il retire chaque mois des sommes considérables.

La petite ville de Puño, située près de la mine du Manto, renferme à peu près six mille habitans ; elle n’a d’autres droits à être marquée en grosses lettres sur la carte du Pérou que sa qualité de chef-lieu du département de Puño. Pendant le court règne de Joseph Bonaparte en Espagne, l’ancienne division gouvernementale par présidences et corregidorias fit place à notre mode d’administration française. Le Bas-Pérou fut divisé en sept départemens : Aréquipa, Puño, Cusco, Ayacucho, Lima, Serro de Pasco et Truxillo. Malheureusement pour le pays, le code Napoléon n’a pas remplacé les vieilles lois espagnoles ; la justice