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et des vêtemens chauds, ce que la haute paie de la main-d’œuvre permet à tout Indien d’avoir aujourd’hui. Cependant, sur les hautes montagnes de ces régions glacées, ils sont exposés, au sortir de la mine, à gagner des pleurésies et des rhumatismes, et ce sont les souffrances dont ils se plaignent le plus ordinairement. Quant au mercure qu’ils amalgament avec l’argent, il n’attaque point leur constitution. Chez M. B., pas un des quarante Indiens qui travaillent tous les jours ne montrait de symptômes mercuriels ; l’Indien chargé de veiller au four quand la pipa se cuit et que le mercure s’évapore était seul sujet à un tremblement assez léger, et il y a quinze ans qu’il faisait ce service.

Les gens du pays reprochent aux Indiens la défiance insultante qu’ils montrent pour la parole et les promesses des blancs, leurs maîtres et seigneurs. Les pauvres diables ont été si long-temps et si souvent trompés, que cette défiance leur est plus que permise. M. B. a montré qu’avec de bons traitemens et de la fidélité à tenir ses promesses, on pourrait les faire revenir de cette mauvaise opinion. Chez lui, les ouvriers sont payés chaque samedi, et, quand il n’y a pas d’argent à la maison, on leur fait des bons payables à tant de jours de vue ; les bons sont faits en anglais, et les Indiens ne savent pas ce qu’ils acceptent, mais on leur dit : Ceci vaut 2 piastres, 4 piastres, 10 piastres, etc. ; et, comme les différentes sommes ont toujours été exactement payées, ils acceptent ces bons comme de l’argent comptant.

La mine de Manto, exploitée par M. B., appartenait, vers l’an 1660, aux frères Salcedo, Joseph et Gaspard. Le métal s’y trouvait par larges couches d’argent vierge, que plus d’une fois l’on envoyait sans travail préparatoire à la monnaie d’Aréquipa pour y être fondu et monnayé. C’est ce qui lui avait fait donner le nom de Manto (manteau). Une ville de trois mille maisons (San-Luis-de-Alva) s’éleva bientôt autour de la demeure des Salcedo, et tous les aventuriers du haut et bas Pérou accoururent pour avoir de gré ou de force une part au gâteau. Les Salcedo étaient originaires de l’Andalousie, et les émigrans andalous se rangèrent autour d’eux. Par opposition, il se forma un parti biscaïen que vinrent grossir les émigrans qui, dans la mère-patrie, étaient par tradition hostiles aux Andalous. Des combats acharnés se livrèrent sur cette montagne de Laycacota, et, dans une de ces rencontres, mille hommes des deux partis restèrent sur le champ de bataille. Ces querelles sans cesse renaissantes, dans un pays si généralement tranquille, inquiétèrent le vice-roi don Pedro Fernandez de Castro y Andrade, comte de Lemos. En juin 1668, il vint lui-même - à Puño avec des forces considérables ; il commença par mettre tout à feu et à sang ; San-Luiz-de-Alva fut brûlée et rasée, et son titre de ville accordé au village de Saint-Jean-Baptiste, qui s’appela San-Carlo-de-Puño. Don