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mine d’argent du Manto, dont il m’avait promis de me faire les honneurs. Je quittai donc Aréquipa avec M. B., emportant le souvenir le plus gracieux de cette jolie ville et de ses habitans.


II. PUNO. - LES MINES D’ARGENT.

La montée du volcan d’Aréquipa, le seul passage fréquenté par les caravanes pour arriver sur le haut plateau du Pérou, commence à la sortie des faubourgs. Vingt fois je me retournai pour jouir du spectacle ravissant que présente Arequipa, qui, avec ses maisons blanches, sa ceinture de jardins et son horizon de déserts, ressemble à une fontaine de marbre au milieu d’une oasis. Les mules s’arrêtaient à chaque pas, soufflant et suant à grosses gouttes. On leur frottait les narines avec de l’eau-de-vie et de l’ail pour empêcher l’apoplexie. L’air est tellement raréfié sur ces hauteurs, que les animaux s’y assorochent (assorochanse). Sorroche est le nom que l’on donne à l’état de souffrance qui s’empare de tous, hommes et animaux, sur les Cordilières : pour les hommes, c’est un violent mal de tête et une grande difficulté de respirer, qui paralyse leurs forces et les oblige de s’arrêter : ils étoufferaient, s’ils étaient forcés de continuer à monter ; les mules attaquées du sorroche ont la respiration courte et transpirent abondamment ; souvent elles tombent comme frappées d’apoplexie et meurent sur place, si elles ne sont immédiatement secourues. Le nom du point le plus élevé, los Huessos (l’ossuaire), et les monceaux d’os entassés sur les bords de la route attestent les ravages du sorroche. Pas un abri où se réfugier pendant les tourmentes ; aussi, chaque année, nombre de mules et même de voyageurs périssent sur ces hauteurs, ce qui ne ralentit en rien le passage des caravanes, apportant continuellement à Aréquipa les produits de l’intérieur du pays.

Nous nous arrêtâmes la première nuit au tambo de Cangallo, au tiers du chemin du col à traverser, la seconde au tambo d’Apo, à quelque chose comme treize mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Les tambos, au temps des Incas, étaient des auberges placées sur les grandes routes, à distances rapprochées, pour offrir l’hospitalité aux personnes voyageant par ordre ou avec la permission du gouvernement. Là, elles trouvaient abri et nourriture. De nombreuses ruines attestent l’ancienne magnificence de ces caravansérails d’Amérique, qui étaient vastes et construits en pierre de taille. Les tambos de la génération présente, ressemblent tous au tambo d’Apo, vilaine bicoque large de dix pieds carrés, bâtie en briques de terre séchées au soleil, voûtée et dallée de ces mêmes briques. Deux divans de même construction servent de lit et de table, et le jour arrive par une ouverture de porte sans huis, que l’on se hâte en arrivant de boucher aussi hermétiquement