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ces jeux-là finiraient mal pour vous-même. Vous avez si bien tendu la courroie, qu’elle s’est rompue. Tirez-vous de là maintenant, donnez à votre tour quelque bonne preuve d’attachement : voyons, parlez; vous qui avez la langue si bien pendue quand il s’agit de persifler les gens, ne trouverez-vous rien à dire pour exprimer votre amour?

— Il est trop tard, répéta Geronimo : l’amour m’a précipité au fond de la mer, je n’en veux plus entendre parler. Cette expérience me servira. La volonté du ciel sera faite. Abandonnez, madame, un malheureux qui n’a pas su vous plaire, et que votre cruauté a guéri de sa folie. Je ne m’appartiens plus; je suis désormais tout à Dieu et à l’église, ma sainte mère.


VIII.

Telle est, selon toute apparence, poursuivit le docteur, la fin des amours de mon malade. Les pleurs et le repentir de Lidia ne purent ébranler ses sages résolutions. De peur de se laisser toucher, il repoussa les soins que la jeune veuve lui voulait donner, en quittant cette auberge, lorsque j’eus posé le premier appareil sur sa blessure. Il loua une maisonnette dans le village, et donna pour consigne à la servante de n’ouvrir la porte à aucune femme. Le bon vieux chanoine qui l’avait introduit dans la famille de maître Michel vient ici deux fois par semaine visiter le malade, le fortifier dans ses pieux desseins, et lui apporter les encouragemens et les éloges du haut clergé, qui s’est ému de ce retour à la dévotion, et présente cette aventure comme un petit miracle. Geronimo ne pardonnera jamais à l’amour de l’avoir mouillé, meurtri et mis en danger de se casser le cou. Sa passion paraît avoir changé d’objet. Je ne m’étonnerais point s’il devenait à présent un prêtre parfait et de mœurs exemplaires.


Je remerciai le docteur de son récit, et je l’invitai à venir manger sa part du souper projeté pour le lendemain. Après avoir fait la promenade obligée dans les montagnes, en compagnie d’un ânier, je retournai le soir à Naples, par le chemin de fer, et j’arrivai à temps pour assister à la représentation de la Linda, chantée par Mme Tadolini.

Bien des étrangers ont pu vivre long-temps à Naples sans avoir eu l’occasion de visiter les marchands de pizze. A l’entrée de la rue de Tolède est une petite ruelle appelée vico del Campaniello, où les plus fameux de ces marchands ont établi leurs fours, dont les flammes illuminent toute la rue de lueurs infernales. La grande salle de chaque boutique est divisée en cabinets de société par des cloisons minces qui ne s’élèvent pas jusqu’au plafond. Un rideau ferme l’ouverture de ces cabinets. C’est là que viennent s’attabler, pendant une partie de la nuit,