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et tué un de ses hommes, quelques chevaux, en se cabrant, amenèrent dans un des escadrons un moment de désordre. Ottinger y courut, et, dominant de sa forte voix le bruit du canon, il ordonna aux dragons de se tenir immobiles, jurant qu’il casserait la tête au premier qui bougerait ; puis il fit ramasser le corps de Micewski, et le fit charger sur un caisson. L’ennemi n’avait déployé qu’une brigade, le général Ottinger s’avança avec sa cavalerie pour contraindre le général hongrois à montrer les troupes qu’il tenait peut-être en réserve derrière le village ; mais les Hongrois, à la vue de ce mouvement, s’étant retirés précipitamment, il jugea qu’ils n’étaient pas nombreux, et me chargea n’apprendre au prince que l’armée ennemie n’appuyait pas les brigades postées aux environs de Pesth. Le général demandait en même temps la permission de s’avancer au-delà du village en refoulant la brigade déjà repoussée, afin d’aller reconnaître si le gros de l’armée de Georgey se trouvait derrière ces positions. Lorsque j’eus transmis au prince les paroles du général Ottinger, il se rendit au galop avec toute sa suite devant le front du troisième corps pour y attendre le rapport de la brigade que le général Schlick avait envoyée en reconnaissance vers Kerepes ; il était à craindre que Georgey ne se portât sur notre gauche, et la nuit arrivant peu à peu, la pluie commençant à tomber par torrens, le prince donna l’ordre de la retraite. Les troupes rentrèrent alors dans les bivouacs qu’elles occupaient sous les faubourgs de la ville.

Déjà pourtant Georgey n’était plus devant Pesth ; le 7 avril au soir, après s’être assuré que toute notre armée s’était retirée au-delà de Rakos, il avait tenu à Gödöllö un conseil de guerre auquel assista Kossuth, et il s’était mis en marche vers Waitzen. Pendant que notre année s’avançait dans la plaine de Rakos pour reconnaître les villages où il avait laissé le corps d’Aulich, il refoulait, après un sanglant combat, malgré leur héroïque résistance, les deux brigades Götz et Jablonowski, et, remontant la Gran, il marchait vers Komorn.

Le 14 avril, vers midi, le canon, retentit aux avant-postes ; le ban était à Pesth, il monta à cheval, se rendit au camp et fit déployer les bataillons ; j’étais resté en arrière. Comme je sortais des faubourgs, j’aperçus de loin une femme en deuil suivie d’un domestique ; elle s’avançait dans la campagne ; je passai près d’elle : c’était la comtesse C…, une des femmes de Pesth qui témoignaient le plus d’enthousiasme pour la cause des insurgés ; elle espérait sans doute que nous allions être repoussés et voulait être la première à saluer le vainqueur. Je rejoignis le ban ; le général Ottinger se portait avec la cavalerie de notre corps à la rencontre de l’ennemi, les hussards hongrois étaient déjà sur nos pièces et sabraient les artilleurs. Le capitaine Edelsheim, qui marchait à la tête de la colonne, se jeta en avant avec son escadron ; Ottinger lança les cuirassiers, et la mêlée devint générale. Un jeune officier