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leurs armemens considérables allaient nous forcer d’abandonner cette ligne ; il s’était rendu à Pesth (15 mars) avec le général Schlick, et avait proposé dans le conseil de porter une partie de l’armée au sud de la Hongrie pour recommencer la guerre sur une autre base d’opérations. Il avait prié le prince de le laisser marcher avec son corps et celui du général Schlick vers Szegedin, dont nous n’étions éloignés que de quatre marches, pour y passer la Theiss et se réunir aux troupes du général Thodorovich : le prince avait été d’abord près d’y consentir, mais bientôt la marche offensive des Hongrois l’avait obligé à retenir auprès de lui notre corps et celui du général Schlick. Six semaines plus tard, nous étions forcés d’abandonner la ligne du Danube, et le ban recevait l’ordre de se porter avec son corps au sud de la Hongrie ; mais alors les Hongrois avaient presque détruit le corps de Thodorovich et reconquis tout le pays jusque sur la rive gauche du Danube : notre marche vers le sud de la Hongrie ne servit qu’à prouver tardivement la justesse du plan proposé par notre chef de corps.

Nous étions toujours à Czegled, observant les passages de Szolnok et de Czibakhaza, pendant que Georgey s’avançait vers Pesth par la route d’Hatvan à la tête d’une puissante armée ; le prince résolut alors de rappeler sa droite et sa gauche sur son centre à Gödöllö. Le 3 avril, au matin, nous quittâmes Czegled, et marchâmes jusqu’à Alberti ; mais à peine étions-nous arrivés dans ce village, qu’un courrier du prince vint nous apporter l’ordre de remonter au nord et de nous réunir au corps du général Schlick, qui s’avançait vers Hatvan pour reconnaître l’ennemi. Le ban laissa reposer les troupes, et, sur les sept heures du soir, il se remit en marche ; il commençait à faire nuit ; nous apercevions sur notre droite, à l’horizon, dans la direction de Jasz-Berény, les feux des bivouacs des avant-postes de l’armée ennemie ; le chemin était défoncé par le dégel, et la brigade d’avant-garde n’arriva à Tapio-Bieske qu’à deux heures dans la nuit.

Vers huit heures du matin, nous partîmes de Tapio-Bicske ; la route suivait la rive gauche du ruisseau marécageux de Tapio ; sur la droite, le terrain s’élevait en formant de légères ondulations plantées de vignes et de bouquets de saules : le ban marchait à la tête de la colonne ; il venait de s’arrêter au village de Setzö, sur la Tapio, pour voir et presser la marche des troupes, lorsque sur les deux heures le canon retentit derrière nous ; notre brigade d’arrière-garde, qui était encore à Tapio-Bicske, à cinq quarts de lieue en arrière de Setzö, était attaquée par les Hongrois. Le ban avait reçu du prince l’ordre de se réunir au corps de Schlick et de ne point laisser le combat s’engager au cas où il serait attaqué pendant les marches forcées que cette jonction nécessitait ; il avait donné des ordres en conséquence à la brigade Rastich, qui formait notre arrière-garde ; il se contenta donc de placer six pièces de