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Hompeseh, Toni Jellachich, Saint-Quentin, aides-de-camp du ban, Thurheim, Harrach, Arthur Nugent, ses officiers d’ordonnance, montaient à cheval et couraient une partie de la nuit pour porter au prince et aux autres corps d’armée les rapports sur notre marche et les nouvelles que nous nous étions procurées sur les mouvemens et les opérations de l’ennemi. Ce service était périlleux, ai-je dit souvent, au point du jour, les officiers du ban arrivaient pâles et défaits, montés sur leurs chevaux efflanqués et couverts d’écume, après avoir, au prix de grands détours, évité les villages et les patrouilles ennemies. Le comte Thurheim nous causa même un jour de vives inquiétudes : envoyé avec un ordre important, il ne rejoignit notre corps qu’au bout de quarante-huit heures ; il avait échappé aux patrouilles hongroises ; le major baron Hacke fut moins heureux, et, forcé de traverser un village, il fut massacré par les paysans révoltés.

Le 26 avant le jour, nous quittâmes Sövenyhaza, nous marchâmes toute la journée, obligés de faire de longs détours au milieu de ces plaines coupées de marais glacés ; nous atteignîmes enfin une digue élevée sur la rive gauche de la Raab, et, par ce chemin, nous arrivâmes à Csécseny à la nuit tombante. Presque aussitôt on ne vit plus dans le village que poules, cochons, dindons, qui couraient pêle-mêle, poursuivis par les soldats le sabre à la main. Les troupes, qui souvent n’avaient rien mangé depuis le matin, commirent quelquefois des désordres de ce genre avant qu’on eût pu obtenir des vivres par voie de réquisition ; chaque fois, le ban paya de sa propre bourse et très largement le dégât fait par ses soldats.

Nous logeâmes dans le château d’un gentilhomme hongrois. Notre hôte ne nous aimait pas ; mais le noble culte de l’hospitalité, qu’on retrouve chez tous ses compatriotes, dominait chez lui tout autre sentiment. Nous fûmes donc bien reçus, et on nous offrit un splendide souper ; sa femme et sa fille nous servirent elles-mêmes avec une grace charmante ; chaque officier qui entrait était le bienvenu ; on prévenait tous nos désirs ; toutes les provisions du château furent mises à notre disposition. Après le souper, nous parlâmes de la guerre. Le maître de la maison nous assura que Georgey était résolu à défendre les positions de Raab, et que nous aurions, le lendemain, une sanglante bataille. Alors la joie brilla dans tous les regards ; nous nous levâmes aux cris de : Vive d’empereur ! et, portant tous ensemble la main à nos sabres sous les yeux du ban qui souriait à notre enthousiasme, nous jurâmes de bien faire notre devoir.

La fille du maître de la maison et une jeune Italienne, son amie, étaient si aimables et si gracieuses, que quelques-uns d’entre nous, oubliant la fatigue de cette journée, restèrent à causer avec elles. L’Italienne, heureuse de pouvoir parler sa langue, regrettait, sous ce ciel