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l’occasion d’un côté ou de l’autre dans le débat diplomatique maintenant ouvert à Dresde, ils ont encore chance de conserver l’équilibre, et de perpétuer jusque dans un nouveau pacte fédéral cette émulation de la Prusse et de l’Autriche qui protège leur indépendance. Leur indépendance n’est pas seulement, au surplus, une question intérieure pour l’Allemagne ; c’est un élément essentiel de l’ordre général en Europe, et l’Europe ne saurait permettre que l’on disposât d’eux sans leur assentiment.

Si donc l’antagonisme de la Prusse et de l’Autriche ne pouvait cesser, comme on l’a prétendu, qu’à la condition que les deux cabinets prissent ensemble sur toute l’Allemagne la prépondérance qu’ils renonceraient mutuellement à prendre l’un sur l’autre, ce n’est pas encore une condition si facile à remplir, et les négociateurs de Dresde sont exposés à demeurer là plus long-temps qu’on ne pensait. Voici déjà que les états du second ordre mettent en avant tout un système de garanties qu’ils sollicitent pour eux dans la refonte du pacte fédéral ; ils demandent à participer réellement au pouvoir exécutif de la fédération ; ils veulent être représentés dans une assemblée publique qui siégerait à côté de ce pouvoir exécutif comme organe parlementaire, et où ils enverraient leurs députés comme mandataires d’états distincts, et non comme mandataires de l’Allemagne en général. Pour que les députés fussent plus notoirement encore investis d’un caractère si particulier, ce seraient les chambres locales qui les tireraient de leur sein pour les envoyer en leur nom au parlement central. L’Allemagne aurait ainsi un sénat analogue, par sa destination, au sénat américain. L’Autriche et la Prusse y garderaient chacune sa juste portion d’influence, mais ces influences seraient suffisamment balancées et par elles-mêmes et par les autres pour ne point tout effacer sous elles. Le dualisme serait ainsi condamné à survivre, et, en même temps que les jalousies et les froissemens des deux grandes, puissances seraient atténués dans ce nouveau milieu, il leur deviendrait cependant impossible de s’y ménager de concert une domination absolue.

La Bavière, le Wurtemberg, la Saxe, paraissent se rallier décidément à ce plan dont la responsabilité incombe surtout à M. Mon der Pforten, le chef du cabinet de Munich. Dire qu’il réussira, ce serait prophétiser plus hardiment que les vicissitudes allemandes n’ont jamais permis de le faire. Qu’il réussisse ou non, nous le croyons digne d’une attention sérieuse. C’est un premier effort fait en commun par les cabinets de second ordre pour suivre une politique spéciale en face de Berlin et de Mienne. Cette dernière lutte de l’Autriche et de la Prusse, qui a failli devenir sanglante sans rien produire pour chacune d’elles, a pourtant eu ce résultat, de montrer combien elles étaient toutes deux préoccupées de leur fortune particulière, combien peu de l’intérêt allemand en général. Le véritable intérêt allemand commence à réclamer ; l’Europe doit plus que de la curiosité à ces manifestations ; elles peuvent amener une phase nouvelle dans l’avenir de l’Allemagne.

Depuis que le pacte fédéral de 1815 a été supprimé ou suspendu par la révolution de 1848, les états secondaires ont été assurément plus ou moins dominés en fait par les grandes couronnes, mais il n’y e plus eu d’autorité légale qui les subordonnât en droit, et les principaux, comme la Bavière et le Hanovre, ont même joui d’une notable liberté dans tous leurs mouvemens. Il est à sou-