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révolution ? Quel est l’homme de bonne foi qui puisse supposer des chances à un essai de révolution parlementaire ? Qui est-ce qui voudrait, de gaieté de cœur, courir les risques d’une révolution césarienne ?

Il n’y a que deux partis heureux du jeu qu’on joue depuis huit jours, les montagnards, cela va de soi, et ces légitimistes turbulens qui exercent une pression de plus en plus funeste sur l’opinion qu’ils pervertissent. Que des hommes qui veulent tout refaire à nouveau n’aient pas grand peur de tout bouleverser, rien de plus simple. Que l’on procède ainsi quand on n’a d’autre intention que de rasseoir le passé, c’est le clair symptôme de ces étroites manies qui caractérisent les factions expirantes. Imaginez une déraison plus coupable que celle de ces grands politiques qui tendent la main aux radicaux pour avoir avec leur aide le suffrage universel, et qui se vantent, après tant de rudes leçons, « d’avoir protesté, durant dix-huit ans, en faveur du droit commun et de la liberté contre le monopole, l’arbitraire et l’exploitation de la France par une classe astucieuse et avide ! » C’est M. de Lourdoueix qui écrit cela dans une brochure dont on a voulu faire un symbole : Nouvelle Phase, Nouvelle Politique. Nous n’avons jamais cru à la possibilité d’un rapprochement fort intime entre le, drapeau du droit divin et celui de 1830 ; mais l’un et l’autre pouvaient honorablement marcher de front au-devant des mêmes périls. Il faut vivre en dehors de son pays et de son temps pour s’abuser jusqu’à croire un moment que le plus ancien puisse jamais redevenir le plus populaire, pour courtiser cette espérance en prodiguant les caresses à la démagogie, les récriminations et les injures à la classe astucieuse et avide.

Les récriminations ne sont jamais d’heureux argumens en politique ; il faut que nous le disions, non pas seulement pour la presse légitimiste, mais pour une notable partie de la presse élyséenne. Les différens organes qui affectent de porter un intérêt spécial à la fortune du président de la république, des feuilles que l’on suppose trop volontiers dirigées de plus haut qu’elles ne sont, se rendent ainsi très nuisibles à la cause même qu’elles prétendent patroner ou servir. Dans ces journaux où l’on veut toujours chercher la pensée du pouvoir, on a vu depuis quelque temps s’établir un système de dénigrement qui tombait sur les hommes les plus éminens du pays. Ces attaques trop répétées n’ont pas laissé de contribuer à soulever les irritations parlementaires que le gouvernement a maintenant sur les bras. On a beau se donner un personnage à soi tout seul, on ne démolit pas avec autant de facilité qu’on y voudrait mettre de bonne humeur les personnes dont l’opinion a justement consacré l’importance. On a beau dire son meâ culpa de l’air le plus naïvement contrit que l’on peut, la contrition est bien tardive pour donner le droit de prêcher les autres. Quand on est si convaincu d’avoir mal fait toute sa vie, le plus sûr pour ne pas se tromper encore serait de s’enfermer dans le silence, et non pas de prétendre démontrer tout de suite qu’on a trouvé cette fois le secret de bien faire. Nous ne le dissimulons pas, les amitiés indiscrètes qui s’offrent comme des protections sont une lourde charge pour les gouvernemens aussi bien que pour les individus. Le président de la république aurait peut-être du bénéfice à n’être pas si bien soutenu, et il s’épargnerait plus d’un embarras, s’il n’y avait que lui pour le compromettre.

Les affaires extérieures sont toutes dominées par l’intérêt de plus en plus