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exceptionnelle ; elle écarta les trois noms qui lui avaient été présentés par le clergé local, et donna le siège à un prêtre irlandais qui résidait à Rome depuis trente ans. C’était, pour ainsi dire, le bras du chef de l’église romaine qui se prolongeait jusqu’au cœur de l’Irlande, et qui, du centre même de l’unité, prenait la haute main dans le gouvernement des affaires catholiques.

Les collèges mixtes étaient naturellement au premier rang des affaires que le nouveau primat allait avoir à régler. Au milieu de toutes les incertitudes des évêques et de tous les délais du saint-siège, le gouvernement anglais avait continué l’exécution du plan primitif ; les trois collèges avaient été construits à Cork, Galway et Belfast ; ils avaient été ouverts à l’automne de 1849 ; environ quatre cents étudians en avaient suivi les cours pendant cette première année. Rome ne s’étant pas encore prononcée définitivement, une partie des évêques se montra favorable au système mixte ; mais ceux qui ne voulaient aucune transaction reçurent, par l’arrivée du nouveau primat, un accroissement considérable de force et d’influence. Un des premiers actes du docteur Cullen fut de convoquer en synode tous les évêques d’après les instructions du pape. Le synode s’ouvrit au mois d’août dans la vieille ville de Thurles ; la majorité s’y prononça formellement contre les collèges mixtes. Le gouvernement anglais venait de nommer membres du conseil universitaire six prélats catholiques ; un rescrit du pape leur enjoignit de ne pas accepter, et ils se retirèrent. Il faut remarquer que ni le synode, ni la cour de Rome, n’allèrent jusqu’à interdire les collèges aux catholiques ; les deux résolutions principales qui furent prises furent : d’abord de retirer à l’enseignement mixte tout concours du clergé, et ensuite de fonder, en concurrence avec l’université de l’état, une université catholique comme celle de Louvain.

Aussitôt après la clôture du synode, au commencement de septembre, un comité d’évêques publia un manifeste pour annoncer l’établissement d’une université catholique et faire appel aux contributions volontaires des fidèles. Les évêques disaient dans cette proclamation :

« Une des plus grandes calamités des temps modernes, c’est la séparation de la science et de la religion. De la science sans religion est sortie cette misérable philosophie qui a envahi tant d’écoles, de collèges et d’universités du continent, et dont les professeurs d’athéisme, de panthéisme et de toutes les formes d’incrédulité ont fait le fondement de leurs systèmes impies. La jeunesse d’Irlande sera sauvée de cette philosophie funeste par une éducation catholique, et c’est là un des principaux objets de cette université. Outre le danger qu’a pour les individus la séparation de l’instruction et de la religion, elle en a aussi pour la société tout entière. Si vous érigez en principe la séparation de l’enseignement séculier et de l’enseignement religieux, l’anarchie ne tardera pas à en sortir… Vouloir fondre toutes les religions dans une seule