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des mystères, parce qu’elle est le lien de l’infini avec le fini, la science politique, qui n’est que la synthèse des faits sociaux, ne saurait avoir les siens. Dieu a créé un pouvoir immuable et toujours visible dans l’église, parce que l’église garde le dépôt de la parole par laquelle vit le monde ; mais il n’a pas fait des monarchies autant d’églises au petit pied, au sein desquelles l’autorité se transmette et se reconnaisse à des signes éclatans et certains. Cela serait sans doute fort précieux pour l’humanité, mais cette ressource-là ne lui a point été départie, et la Providence a voulu laisser aux peuples l’entière responsabilité de leurs destinées : quelque théorie qui prévale sur la légitimité du pouvoir, il n’existe qu’une recette pour éviter les révolutions, l’intelligence chez les gouvernans et le bon sens chez les gouvernés : lorsque celle-là manque, on a des révolutions de juillet ; lorsque l’autre fait défaut, on a des révolutions de février.

La logique conduit les peuples, lors même qu’ils paraissent céder à l’entraînement des passions, et les révolutions ne sont d’ordinaire que l’explosion de syllogismes condensés. En voyant la maison de Bourbon repousser la sanction nationale et s’emparer de plein droit du gouvernement de la France comme d’une propriété héréditaire, tous les intérêts nouveaux prirent l’alarme. Le droit inadmissible revendiqué par la royauté fut envisagé comme le point d’appui et la sanction de toutes les prétentions historiques qui pourraient se produire à son ombre. Rien n’était sans doute moins fondé qu’une pareille appréhension, mais elle avait envahi toutes les ames, et la plus légère connaissance du génie national aurait suffi pour la faire pressentir. Descendue en moins de trois mois dans tous les rangs de la bourgeoisie à laquelle avait naguère appartenu l’initiative du mouvement royaliste, cette crainte était plus vive encore dans la chaumière du paysan, où le vieux soldat pleurait sur ses aigles humiliées. Le drapeau blanc avait été pour les populations rurales la traduction sensible de la même pensée, l’expression permanente de la même menace. Cette substitution de couleurs glorieuses, mais oubliées, au drapeau porté dans toutes les capitales de l’Europe assura seule tout le succès des cent jours, et refit un empereur de celui qui sans cela n’aurait été qu’un aventurier. En débarquant avec un bataillon pour renverser une monarchie, Napoléon était cuirassé du drapeau tricolore et pouvait malheureusement exploiter contre la charte la dix-neuvième année du règne et le principe de l’octroi royal. Le secret de son entreprise est là tout entier, et l’on peut voir, en lisant les proclamations du golfe Juan, les actes de Grenoble et de Lyon, quel terrible usage il sut faire des armes qu’on lui avait données.

Le gouvernement de la première restauration commit sans doute