Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

royauté de l’histoire était devenue étrangère à la France de la révolution et de l’empire. Traité en roi depuis dix-neuf ans par quelques serviteurs, il fit commencer sa royauté à Blankenbourg au lieu de l’inaugurer à Paris, sans pressentir le frisson d’étonnement et de colère qu’une pareille date ferait courir dans les veines de la France.

Cependant l’auteur de la charte relevait la tribune muette depuis dix ans ; il proclamait la liberté de la presse, la liberté de conscience, l’égale admissibilité des citoyens aux emplois publics, le respect de toutes les positions acquises, l’inviolabilité de la vente des domaines nationaux ; il prescrivait l’oubli de tous les votes émis sous les gouvernemens précédens et promulguait un système électoral qui assurait manifestement la prépondérance des classes moyennes dans la chambre des députés. Malheureusement pour la monarchie, un déplorable aveuglement lui faisait perdre le bénéfice de toutes ces concessions, car le monarque les présentait comme émanant de son bon plaisir, comme découlant d’un droit supérieur et préexistant. Les institutions fondamentales, spontanément octroyées par la générosité du prince, n’étaient, d’après la phraséologie officielle, que de simples formes du gouvernement du roi. Source de tout pouvoir comme de toute justice, le monarque dominait de toute sa hauteur une constitution qui n’était qu’une émanation de sa propre souveraineté, et ses ministres, empruntant des locutions malheureuses à ce jargon des parlemens, aussi étranger au langage de la vieille France qu’à la langue de la France nouvelle, appelaient en pleine séance royale la charte constitutionnelle une ordonnance de réformation !

Les Bourbons se précipitèrent tête baissée, en 1814, dans l’abîme creusé par les Stuarts sous les pas des royautés modernes ; ils demandèrent la consécration de leur autorité à des principes réputés supérieurs aux vicissitudes humaines, et, pour mieux défendre l’avenir contre les révolutions, ils en préparèrent une à quelques mois de distance. Le droit divin engendra les cent jours, comme l’octroi royal a engendré les ordonnances et la révolution de juillet. Si Louis XVIII avait rajeuni sa dynastie au creuset de l’acceptation populaire, quelques régimens n’auraient pas fait le 20 mars, et Napoléon n’eût probablement pas débarqué à Fréjus ; si Charles X, l’un des princes les plus loyaux qui aient jamais porté une couronne, n’avait cru pouvoir invoquer l’article 14, il n’aurait pas même conçu la pensée si cruellement expiée par sa race. Les petits-fils de Louis XIV échouèrent comme les petits-fils de Jacques Ier en attribuant au pouvoir une autre origine que celle qui lui est assignée dans l’économie générale des choses. Il n’est pas donné à des êtres humains, fussent-ils du sang des rois, de créer des dogmes pour leur propre convenance et leur propre sécurité. Si la religion a