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nouvelle, et, si une autre combinaison s’était produite comme l’expression du vœu national, il l’aurait accueillie avec autant d’empressement et peut-être plus de confiance. Du jour de la capitulation de Paris jusqu’au 4 mai 1814, date de l’entrée de Louis XVIII dans la capitale, on ne trouve dans les transactions de l’époque aucune trace de l’influence qu’auraient exercée les cabinets étrangers sur les déterminations de la France et sur son régime intérieur. La grande nation, que l’Europe respectait dans ses revers autant qu’elle l’avait redoutée dans sa puissance, demeura parfaitement libre de se donner le gouvernement de son choix et d’en stipuler les conditions. Il n’est pas une déclaration émanée des cours alliées qui ne reconnaisse sur ce point la plénitude du droit de la France[1]. Le mouvement d’où sortit la première restauration partit des rangs de la bourgeoisie parisienne, et s’étendit en quelques jours dans le pays sans distinction de classes ni de partis. Il rencontra une adhésion enthousiaste chez quelques-uns, réfléchie et calculée chez le plus grand nombre, mais véritable partout, excepté dans les rangs de l’armée, que l’empire avait séparée de la nation en lui apprenant à confondre la patrie avec l’empereur. Vingt-quatre heures ne s’étaient pas écoulées depuis l’entrée des premiers régimens étrangers dans Paris, que le corps municipal réclamait d’une voix unanime la déchéance de l’empereur et le rappel des Bourbons. Si le sénat, à raison du pouvoir spécial dont l’investissaient les constitutions antérieures, prit l’initiative de l’appel à la royauté, moyennant certaines conditions déterminées, il fut suivi, pour ne pas dire dépassé, dans cette voie par le corps législatif. Les cours, les tribunaux, les administrations départementales et municipales, tous les corps enfin représentant l’industrie, la propriété, les professions libérales, acclamèrent à l’envi le règne de la paix et de la sécurité intérieure. Il ne s’éleva ni une objection ni une résistance, et, quoi que le pays ait pu penser moins d’une année après, jamais mouvement d’opinion ne fut plus spontané ni plus unanime.

  1. voyez surtout la déclaration du 31 mars, par laquelle les alliés invitent le sénat, alors légalement investi du pouvoir constitutionnel, à désigner un gouvernement provisoire pour pourvoir à l’administration, et pour préparer la constitution qu’il conviendrait au peuple français d’adopter. Voyez aussi la réponse faite par l’empereur Alexandre au sénat le 2 avril, où l’on lit le passage suivant : « Mes armées ne sont entrées en France que pour repousser une injuste agression. Je suis l’ami du peuple français : je ne lui impute point les fautes de son chef. Je suis ici dans les intentions les plus amicales : je ne veux que protéger vos délibérations. Vous êtes chargés d’une des plus honorables missions que des hommes généreux aient à remplir ; c’est d’assurer le bonheur d’un grand peuple en donnant à la France les institutions fortes et libérales dont elle ne peut se passer dans l’état actuel de ses lumières et de sa civilisation. Je pars demain pour commander mes armées et soutenir la cause que vous venez d’embrasser, etc. »