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de la Pologne dans les bases de l’équilibre et dans les maximes du droit public. L’Autriche, en dédommagement de ses pertes, recevait les états vénitiens, dont la France, victorieuse et provoquée, pouvait disposer à meilleur titre que les co-partageans de 1772 de la patrie des Jagellons. La création de l’état cisalpin dans l’Italie centrale préparait cette contrée à la vie nationale et à l’indépendance, si jamais elle en devenait capable. En étendant la protection de la France sur ce pays, théâtre de sa gloire, le gouvernement consulaire s’engageait d’ailleurs à évacuer sans retard le territoire de la Suisse, de la Hollande et de tous les états où le cours des événemens avait jeté ses armées. Ces équitables principes prévalurent d’une manière non moins heureuse dans les négociations d’Amiens, complément de celles de Lunéville. La France y maintint les vrais principes du droit maritime et défendit chaleureusement tous ses alliés ; elle fit surtout d’énergiques efforts et des sacrifices personnels pour diminuer les pertes qu’avait fait éprouver à l’Espagne sa longue fidélité à notre fortune. Lorsque les grandes cours allemandes se jetaient tête baissée dans les scandales provoqués par les sécularisations et les indemnités germaniques ; lorsqu’en même temps les ministres anglais violaient outrageusement le texte des traités et refusaient d’évacuer Malte pour garder leurs portefeuilles, l’esprit de justice et de paix, exilé des vieilles cours, était tout à coup et comme miraculeusement descendu dans le nouveau gouvernement de cette France qui naguère faisait frémir l’Europe, et qui malheureusement allait bientôt la faire trembler. Ce fut là un honneur que, malgré quelques actes, ce gouvernement put revendiquer presque toujours jusqu’au commencement de 1804.

Ce n’est pas en échangeant le titre consulaire contre le titre impérial que Napoléon manqua à la mission qu’il avait reçue d’en haut. Le rétablissement d’un gouvernement monarchique était le terme où tendait le grand mouvement d’opinion commencé au lendemain du 9 thermidor. Construite pièce à pièce par la royauté, la France éprouve l’invincible besoin de trouver dans la puissance publique une image de sa propre unité, et de croire à la perpétuité du pouvoir lors même qu’il lui arrive de le renverser tous les quinze ans. Ce n’est qu’à ce prix que les esprits se calment et que les intérêts se rassurent. La violente transformation de la monarchie constitutionnelle en république au 10 août avait été l’attentat le plus odieux qu’un parti pût oser contre le sentiment intime d’un grand peuple. Si l’on vit avorter la réaction monarchique commencée sous le directoire, nous en avons indiqué la cause en rappelant le profond désaccord qui séparait les intérêts de la bourgeoisie royaliste des idées attribuées au prince qui seul alors représentait dans l’exil le principe de la royauté. Du jour où des événemens prodigieux, accumulant sur une autre tête le