Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

système n’avait originairement pour but que de prévenir des entraînemens trop souvent funestes à la France. Que le pays, en ratifiant par ses suffrages l’œuvre des législateurs de l’an VIII, ait entendu biffer dix années de son histoire, c’est ce qui est démenti et par tous les actes des autorités constituées et par les innombrables adresses envoyées au premier consul de tous les points du territoire.

« Représentans du peuple, s’écriait Lucien Bonaparte au plus fort de la crise qui décida du sort de son frère, la liberté française est née dans le jeu de paume de Versailles. Depuis cette immortelle séance, elle s’est traînée jusqu’à vous en proie tour à tour à l’inconséquence, à la faiblesse et aux maladies convulsives de l’enfance. Elle vient aujourd’hui de prendre la robe virile ; elles sont finies dès aujourd’hui, toutes les convulsions de la liberté. À peine venez-vous de l’asseoir sur la confiance et l’amour des Français, que déjà le sourire de la paix et de l’abondance brille sur ses lèvres ! Représentans du peuple, entendez les bénédictions de ce peuple et de ces armées long-temps le jouet des factions intestines, entendez aussi ce cri sublime de la postérité Si la liberté naquit dans le jeu de paume de Versailles, elle fut consolidée dans l’orangerie de Saint-Cloud ; les constituans de 89 furent les pères de la révolution, mais les législateurs de l’an VIII furent les pères et les pacificateurs de la patrie. »

Écoutez les auteurs et complices de la révolution de brumaire expliquant leur conduite à la France : « Citoyens, disaient-ils, des séditieux ont attaqué sans cesse avec audace les parties faibles de la constitution de l’an III ; ils ont habilement saisi celles qui pouvaient prêter à des commotions nouvelles. Ceux même qui voulaient le plus sincèrement le maintien de cette constitution ont été forcés de la violer à chaque instant pour l’empêcher de périr. De cet état d’instabilité du gouvernement est résultée l’instabilité plus grande encore de la législation, et les droits les plus sacrés de l’homme social ont été livrés à tous les caprices des factions et des événemens. Il est temps de mettre un terme à ces orages ; il est temps de donner des garanties solides à la liberté des citoyens, à la souveraineté du peuple, à l’indépendance des pouvoirs constitutionnels, à la république enfin, dont le nom n’a servi que trop souvent à consacrer la violation de tous les principes. Il est temps que la grande nation ait un gouvernement digne d’elle, un gouvernement ferme et sage, qui puisse vous donner une prompte et solide paix avec l’Europe et vous faire jouir d’un bonheur véritable. Soldats de la liberté, vous achèverez la conquête de la paix pour revenir bientôt, au milieu de vos frères, jouir de tous les biens que vous leur aurez assurés[1]. » Enfin, en s’adressant pour la première fois à

  1. Adresse du corps législatif au peuple français, 19 brumaire an VIII.