Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/1169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi le même ressouvenir. Il y a pourtant une grande différence entre ces affectations d’école qui trahissent la stérilité du parti montagnard et ces plagiats d’ancienne cour à l’aide desquels les purs monarchistes essaient de se figurer qu’ils revivent. Rien n’est plus innocent que les exagérations parlées du culte légitimiste ; si le radicalisme, au contraire, tombe à faux dans son éloquence, et prouve ainsi son inanité morale, il lui reste encore pour soutenir sa voix des passions très violentes. Quand ce sont ces passions elles-mêmes qui se font jour dans ses discours, au lieu de ses doctrines, on reconnaît vite à l’âpreté de l’accent qu’il a là une force malheureusement plus réelle et plus dangereuse, une force vive et brutale, dont la théorie socialiste peut bien justifier les entraînemens, mais dont les entraînemens subsistent en dehors de toute théorie.

Contre cette brutalité de la force matérielle et des appétits grossiers, le principe légitimiste n’est point un suffisant abri, et il a le tort de prétendre à l’être. Il est, comme le principe socialiste, une doctrine extrême et par conséquent rejetée hors de toute application dans ce temps-ci ; son honneur est de ne se point prêter au service des mauvais instincts, — son illusion, son péril est de croire qu’il les comprimerait et les dompterait, à lui seul. Nous ne devinons pas du tout dans quelle vue M Berryer propose aujourd’hui la restitution des 45 centimes aux contribuables, ou plutôt invite les contribuables à se la payer de leur poche en acceptant un équivalent d’impôt. Pour peu cependant que l’illustre chef du parti légitimiste ait ainsi pensé mieux assurer son drapeau, il a dû s’apercevoir immédiatement qu’il n’avait fait que s’exposer à des orages contre lesquels il se maintiendrait mal s’il était seul à se défendre. M. Charles. Lagrange, M. Ducoux, M. Colfavru lui ont disputé l’honneur de cette initiative, et réclament, pour compléter sa mesure, le remboursement du milliard des émigrés. Au cas où il n’y aurait sous cette nouvelle démarche des légitimistes qu’une velléité de devenir populaires, il faut avouer que c’est jouer de malheur d’entrer aussitôt en concours avec la montagne.

Pendant que toutes ces impressions, que nous passons ici en revue, circulaient dans les esprits, on a un peu du moins oublié la difficulté permanente des rapports officieux et officiels entre les deux pouvoirs, car nous ne voulons pas supposer que l’incident relatif aux élections de la garde nationale ait la gravité qu’il semblait avoir d’abord. Il serait trop fâcheux que le ministère se refusât à présenter lui-même une mesure transitoire dans cette nouvelle matière électorale ; pour éviter l’apparenté d’une sanction, de plus, même implicitement donnée, à la loi du 31 mai. Le fond sérieux de toutes les préoccupations politiques, c’est maintenant l’état des finances ; on est alarmé de l’accroissement continuel de la dette flottante, qui s’est élevée de 71 millions en un an. On appréhende fort de se trouver, d’autant plus au dépourvu pour la crise de 1852, que le trésor serait ou vide ou embarrassé. La commission nommée dans les bureaux pour l’examen du budget doit chercher les moyens de rétablir un équilibre, chaque jour plus indispensable.

La crise ministérielle qui pesait sur l’Angleterre n’est pas encore, à bien dire, terminée, puisque la question religieuse qui l’avait provoquée, attend toujours du parlement une solution définitive ; mais il y a cependant un dénouement provisoire : le cabinet de lord John Russell a repris les affaires jusqu’à