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comptent plus de vingt-cinq années d’existence[1]. Long-temps insignifians, ces deux organes, que faisait vivre le commerce, source principale de la fortune des feuilles quotidiennes à Rio de Janeiro, se sont vus contraints, par l’initiative d’autres publications essentiellement politiques, de prendre une couleur et d’arborer un drapeau. Le Journal du Commerce est justement renommé pour l’exactitude avec laquelle il reproduit les débats du parlement brésilien. Le Courrier mercantile est aujourd’hui le seul organe quotidien professant des idées avancées ; il suit et devance parfois la marche de l’opposition.

La presse quotidienne de Rio n’offre pas à ses lecteurs habituels l’intérêt tirant de nos publications parisiennes. À part la reproduction des débats et des actes officiels, deux feuilles seulement s’occupent de la politique intérieure : ce sont le Courrier mercantile et le Courrier du Soir. Avec le Brésil et la république Argentine, c’est l’Europe dont les nouvelles défraient la presse de Rio. Les moindres actes, les moindres événemens des nations importantes de l’ancien continent pèsent encore d’un poids énorme dans la balance politique et commerciale du. Brésil, et les écrits, les publications du vieux monde, y sont avidement interrogés. Quant à la presse politique non quotidienne, elle est représentée au Brésil par des feuilles éphémères, vivant à peine quelques mois, le temps de lancer dans la polémique en général les personnalités les plus offensantes. Ces publications, qui s’occupent exclusivement de politique intérieure, ont pour appuis habituels les ministres et les partisans dévoués des factions extrêmes. Les hommes les plus éminens du Brésil ne dédaignent pas de descendre dans cette arène, d’où l’un et l’autre champions, quel que soit leur mérite, reviennent toujours un peu meurtris. En général, il est rare de rencontrer dans la presse brésilienne des études vraiment sérieuses sur des questions de principes. Certes, dans cette carrière aussi, il apparaît de temps à autre des : noms politiques qui ne seraient pas déplacés parmi les plus illustres de l’Europe, mais l’imagination y a trop souvent le pas sur les études sérieuses. Le Brésil se trompe gravement en laissant à l’imagination une influence aussi souveraine dans le domaine de la politique. Deux grandes nations ont surgi dans le Nouveau-Monde, l’empire brésilien et la république des États-Unis. La confédération américaine s’élève en immolant tout, sans pitié, aux intérêts matériels de son commerce et de sa marine ; le jeune empire du Sud semblerait devoir grandir par les mêmes moyens que sa sœur aînée, si l’on ne découvrait, dans sa population douée d’un esprit ardent, une tendance trop marquée vers les théories et vers les études spéculatives. Un rapide coup d’œil jeté sur les relations extérieures et sur les sources de la richesse du Brésil fera comprendre cependant combien, aujourd’hui même, il lui reste à faire pour élever sa situation matérielle au niveau de sa situation morale.

  1. Ces journaux eurent pendant long-temps, à l’exclusion des autres, le droit de publier les avis et faits commerciaux.