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cette immigration sur sa vaste et riche colonie américaine pêle-mêle avec les habitans plus libres, mais presque aussi incultes, de ses possessions du vieux monde, pour faire de ces deux élémens, joints aux débris des autocthones, la base de la population de ses nouvelles conquêtes. Aussi, trois cents ans après, cette population active et remuante, en dépit du climat, s’était-elle déjà considérablement augmentée, si bien qu’en 1822, malgré les efforts persévérans de la métropole portugaise pour entraver les progrès intellectuels de sa colonie du Brésil, cette société naissante s’élevait à un degré de civilisation qui entraînait comme conséquence forcée la proclamation de l’indépendance. La population brésilienne était du reste à bout de patience vis-à-vis du Portugal, qui, dans le Nouveau-Monde comme en Europe, ayant, moitié par jalousie, moitié par crainte, adopté depuis long-temps un système égoïste et barbare, écartait sans pitié des fonctions administratives tous ses sujets nés Américains.

À partir de l’époque dont nous parlons, le Brésil commence à penser et à agir par lui-même. Que l’on considère maintenant que cette nation lointaine s’est formée, il y a trois siècles, des lambeaux d’un peuple qui marchait à grands pas vers sa décadence ; que l’on remarque aussi que la population brésilienne a été régie, depuis la fondation de la colonie, par les lois absurdes d’un aveugle despotisme ; — et sous l’impression des souvenirs laissés par les conquérans portugais sur la terre brésilienne, on saura rendre plus de justice aux efforts et aux progrès dont l’empire fondé par dom Pedro est aujourd’hui le théâtre.

La constitution de l’empire du Brésil a été rédigée après la proclamation de son indépendance, sous les yeux, de dom Pedro Ier, par des hommes qui possédaient de vastes connaissances et une grande habileté administrative : c’est un reflet moderne des libertés de la grande charte anglaise, appropriée aux usages et aux besoins du pays. Elle n’a peut-être qu’un défaut, c’est d’être trop large, et trop parfaite pour un peuple qui n’a pas encore atteint son plus haut degré de développement. À l’issue du mouvement de 1831, quand l’empereur dom Pedro Ier eut déposé la couronne sur la tête de son jeune fils pour aller en. Europe remettre sa fille sur le trône portugais de ses ancêtres, le gouvernement constitutionnel subit diverses phases ; mais depuis cette crise, sauf quelques légères modifications, rien de radical n’y a été changé.

Le jeune prince appelé à continuer la tache de dom Pedro Ier est ne à Rio de Janeiro, le 2 décembre 1825. Déclaré majeur par les chambres, le 23 juillet 1840, à l’âge de quinze ans, il a été couronné l’année suivante, et a épousé, en 1843, une sœur du roi des Deux-Siciles. Grand et élancé, c’est aujourd’hui un beau jeune homme, dont la physionomie douce et pâle rappelle à la fois l’origine allemande de sa mère et le caractère de son aïeul Jean VI. Son éducation s’est faite dans le palais impérial, sous l’influence de tous les hommes distingués qui en avaient l’accès. Dirigé par cette intelligence délicate, qui est le propre des natures droites, il se replia de bonne heure sur lui-même, et s’isola, pour ainsi dire, au milieu de la foule, secouant par instans jusqu’à l’apparence du joug qu’auraient voulu lui imposer ses courtisans déjà nombreux. De ce genre de vie est résultée naturellement en lui une extrême timidité qu’il a conservée durant toute son adolescence. Entouré de précepteurs habiles ; l’empereur a de bonne heure pu donner pour base à une instruction toute littéraire