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une chasse vigoureuse ; il s’agit, bien entendu, des sangliers et des hyènes ; le lion était généralement respecté Cette chasse n’est point sans danger, non pas à cause du sanglier : avec un peu d’adresse et de sang-froid, on évite toujours ses coups de boutoir ; mais ces Arabes maudits qui nous accompagnaient, sans s’inquiéter si nous nous trouvions devant eux, n’en lâchaient pas moins leurs coups de fusil, au risque de se tromper de bête et de nous envoyer la balle.

Il y a loin de Bel-Abbès à l’Isser ; où nous devions bivouaquer. Il faisait nuit noire lorsque la petite colonne arriva au bord de la rivière ; point de lune, point d’étoiles, on ne savait où poser le pied, et il fallait trouver le gué, car la rivière est rapide et large en cet endroit. Le premier qui tente le passage, fait la culbute, un second n’est pas plus heureux, un troisième atteint l’autre bord. Allumant alors des jujubiers sauvages arrachés aux buissons voisins, nous plaçâmes au bout de nos sabres ces fanaux improvisés, et toute la troupe passa sans encombre. Au point du jour les trompettes des chasseurs sonnaient la diane. L’air était vif, énergique ; quelques nuages couraient sur le ciel bleu, et les crêtes des montagnes, formant à l’est et au sud un fer à cheval, dessinaient le bassin où s’élève Tlemcen. Le Mansourah et ses eaux admirables, qui répandent la fertilité dans les environs de la ville, se dressaient face à nous ; sur notre gauche, un peu en arrière, on apercevait les collines. D’Eddis, où, vers la fin de décembre 1841, eut lieu l’entrevue solennelle qui décida la soumission de la plus grande partie de ce pays.

Dans l’hiver de 1841 à 1842, pendant que le général de Lamoricière portait du côté de Mascara les plus rudes coups à la puissance d’Abd-el-Kader, l’autorité du khalifat de l’émir, Bou-Hamedi, était sérieusement ébranlée dans l’ouest de la province. Mouley-Chirq-Ben-Ali, de la tribu des Hachem, avait été l’instigateur de ce mouvement. Son influence était grande, car il avait long-temps commandé le pays comme lieutenant de Mustapha Ben-Tami, ancien khalifat de l’émir. Destitué par Bou-Hamedi lorsque ce dernier remplaça Mustapha Ben-Tami, Mouley-Ben-Ali avait juré de se venger ; et voici comment il tint parole : — Ben-Ali était patient à la vengeance, il savait attendre l’heure et le moment. Son premier soin fut de parcourir les tribus et de préparer par ses discours les esprits à un changement ; puis, dès que l’instant lui parut favorable, sentant que son autorité n’était pas assez forte pour lever lui-même l’étendard, il jeta les yeux sur un homme dont le prestige religieux vînt rehausser la puissance. Si-Mohamed-Ben-Abdallah, de la grande tribu des Ouled-Sidi-Chirq, fut choisi par lui. L influence religieuse de cette tribu de marabouts s’étend depuis l’oasis où ils se sont retirés jusqu’aux rivages de la mer. Établi depuis longues années déjà dans le pays de Tlemcen, Mohamed-Ben-Abdallah y était en grande