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dut forcer la caisse ; ce qui se fit de la meilleur grace du monde. Les honnêtes gendarmes, devenus voleurs, prêtèrent main forte au colonel de Martinprey, procès-verbal fut dressé, et les 40,000 francs, bien comptés en bons douros d’Espagne, furent emportés à bord du Véloce, qui déposa M. Durande à Melilla. . Depuis ce moment, le Véloce touchait dans ce port à chaque courrier de Tanger pour prendre des nouvelles lorsqu’un ordre d’Alger envoya la corvette à Cadix. Le Véloce allait mettre à la disposition de M. Alexandre Dumas Oran resta sans stationnaire, et les courriers du Maroc furent interrompus.

Nous étions donc sans nouvelles et il est facile de comprendre avec quelle impatience nous attendions le récit de M. Durande ; mais la fièvre lui fermait la bouche. Alors une boisson chaude et fortifiante est préparée à la hâte on l’entoure de soins ; on cherche à le ranimer. Il fallait qu’il parlât ; chacun était suspendu à ses lèvres. Enfin, il reprend ses forces, et il nous raconte que, dès son arrivée à Melilla, un Arabe, par les soins du gouverneur espagnol, avait porté à M de Cognord une lettre lui donnant avis que l’argent était dans la ville, que l’on se tenait prêt à toute circonstance, et qu’une balancelle frêtée par M. Durande croisera constamment le long des côtes. Pendant long-temps la balancelle n’avait rien vus, et tous avaient déjà perdu l’espoir ; lorsque, le 24 novembre, deux Arabes se présentèrent dans les fossés de la place, annonçant que les prisonniers se trouvaient à quatre lieues de la pointe de Bertinza ; le lendemain, 25, ils y seraient rendus. Un grand feu allumé sur une hauteur devait indiquer le point du rivage où se ferait l’échange. Le gouverneur de la ville et M. Durande se consultèrent n’était-ce pas un nouveau piége ? quelles garanties offraient ces Arabes ? – « J’ai pour mission, dit M. Durande, de sauver les prisonniers à tout prix ; qu’importe si je péris en essayant d’exécuter les ordres du général ? » Ils convinrent donc que le lendemain, vers midi, M. Durande se trouverait au lieu indiqué, et que, don Luis Coppa, — major de place à Melilla, marcherait, de conserve avec la balancelle, dans un canot du port monté par un équipage bien armé. L’argent devait être déposé dans ce canot, qui se tiendrait au large jusqu’à ce que M. Dtarande eût donné le signal.

À midi, le feu est allumé ; à midi, la balancelle accoste au rivage. Quatre ou cinq cavaliers sont déjà sur la plage ils annoncent que les prisonniers, retenus à une demi-heure de là, vont arriver ; puis ils partent au galop. M Durande se rembarque dans la crainte d’une surprise et se tient à une portée de fusil. Bientôt il aperçoit un nuage de poussière, soulevé par les chevaux des réguliers de l’émir. De la barque on distingue les onze Français, et les cavaliers s’éloignent, emmenant les prisonniers sur une hauteur, où ils attendent ; une cinquantaine seulement restent avec un chef, près de la balancelle, qui