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destruction de capital. Avant 1848 ; il nous venait du capital étranger ; il venait pour les opérations manufacturière et commerciales ; il en venait surtout pour les entreprises de chemins de fer, ce qui nous laissait le nôtre plus libre pour d’autres destinations. L’importation du capital étranger est suspendue aujourd’hui. L’assemblée nationale, de qui il dépendrait de la réveiller pour les chemins de fer, ne s’en montre pas pressée. Nous sommes donc, quant aux capitaux qu’exige la transition du régime protecteur au régime de la liberté commerciale, plus mal pourvus aujourd’hui qu’avant la révolution de Février, et nous resterons dans cette fâcheuse position Dieu sait combien de temps encore. On aperçoit ici, sous un nouveau jour quelle responsabilité ont assumée devant l’histoire et devant leur propre conscience les hommes qui empêchèrent la monarchie de juillet de réformer notre législation douanière, alors que la transition eût été relativement facile.

Cela posé, je hasarderai ici un projet de programme à suivre pour la transition Je le ferai, on le conçoit bien, sous toute réserve, et sauf meilleur avis. Les ménagemens à garder seraient de deux espèces : premièrement, on procéderait par degrés ; secondement, on accorderait à quelques-uns des intérêts compromis quelques compensations : on verra qu’il serait possible de leur en donner de considérables sans grever l’état ni le public. On procéderait par degrés, disons-nous. De prime abord on supprimerait toutes les prohibitions, toutes celles du moins qui ont le caractère commercial[1]. On réduirait les droits qui, à force d’être élevés, sont prohibitifs à ce qu’il faut pour que l’industrie française s’aperçoive de la concurrence étrangère, et puis, de période en période, ces droits continueraient d’être abaissés jusqu’à un minimum qu’avec de la bonne volonté on considérerait comme un droit tout fiscal, quoiqu’il dût aussi avoir un effet d’enchérissement au profit des producteurs nationaux. On abolirait les droits sur une vingtaine de matières premières les plus importantes, le coton, la laine, la houille, les matières tinctoriales, les graines oléagineuses. Les fils de soie, de coton, de laine, de lin et de chanvre, pourraient même être considérés comme des matières premières. Le fer et l’acier, qui jouent un si grand rôle dans l’industrie, doivent être francs de droit ; c’est l’intérêt général de la production. Par exception cependant, on pourrait, en ce qui les concerne, accorder un délai, sauf à décréter dès à présent une réduction qui devrait être au moins de moitié pour le fer forgé, des trois quarts pour l’acier.

La fonte brute devrait lus prochainement encore que le fer être admise en franchise ; car c’est plus encore que le fer une matière première,

  1. Ainsi les armes de guerre, la poudre, les cartes à jouer, continueraient d’être prohibées.