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étendant ses rigueurs. En somme donc, sauf des modifications sur les denrées coloniales, les cotons bruts et les matières propres aux régions équinoxiales, le tarif de la restauration fut plus contraire encore que celui de l’empire à la liberté et à la justice ; il eut le tort grave de frapper les subsistances les plus usuelles, le pain et la viande, que l’empire, à l’exemple de la république, avait respectés.

Assurément, ces mesures étaient avantageuses à un certain nombre de personnes ; mais il s’en faut bien que tous ceux qui croyaient y gagner, et qui, par ce motif, se ralliaient au système, en retirassent réellement du profit. Ils ne voyaient que l’augmentation de prix qu’ils obtenaient pour leurs productions. Ils auraient dû voir aussi ce qu’ils perdaient comme consommateurs, ce qu’il leur en coûtait de plus, en leur qualité de chefs d’industrie, pour se pourvoir de matières premières et de machines. Ils auraient dû se rendre compte du préjudice que leur causait le resserrement du débouché intérieur, car, lorsqu’une marchandise enchérit, il s’en consomme moins. Mais ce que les pouvoirs publics sont impardonnables de ne pas avoir aperçu ou pris en considération, ce sont les représailles cruelles que nôtre idolâtrie du système restrictif devait attirer à nos industries les plus florissantes. On nous répondit par des aggravations de droits sur nos marchandises. Nos vins, nos soieries, nos articles de mode et de goût, portèrent la peine des privilèges accordés par les pouvoirs de l’état à l’industrie des fers ou plutôt aux propriétaires de bois et aux propriétaires d’herbages. Notre recrudescence des opinions protectionistes eut même des effets déplorables pour la politique française. Des états secondaires qui se fussent volontiers rapprochés de nous, que les traditions d’avant 1789 y poussaient, et dont l’alliance devait nous convenir, conçurent contre nous à cette occasion un éloignement dont nous subissons encore les conséquences[1]. C’est de cette manière que plusieurs états des bords du Rhin, repoussés par nous, sont entrés dans le Zollverein organisé par la Prusse.

Après la révolution de juillet, qui avait été faite au nom de la liberté, on pouvait espérer que le système serait tempéré. On eut en effet des velléités de modération qui se manifestèrent par l’ordonnance d’octobre 1835 et les deux lois de 1836. C’était un commencement de réforme, commencement plein de réserve, mais les plus grandes choses ont commencé modestement. On arrive ainsi jusqu’en 1841. Alors la scène change. Jusque là tout le monde, même les industries protégées,

  1. Je ne prétends pas excuser ces représailles. C’était un mauvais calcul. Parce que nous avions le tort de nous priver du bon marché que nous offrait l’industrie étrangère, ce n’était pas une raison pour que les peuples étrangers se privassent de l’avantage qu’ils auraient eu à se pourvoir chez nous de divers objets que nous offrions à plus bas prix. On ne se vengeait de nos mauvais procédés qu’en subissant une perte de plus.