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À la paix, il semblait que tout cet échafaudage, érigé par les haines et la fantaisie d’une assemblée révolutionnaire et d’un grand conquérant, dût s’écrouler ; criais les intérêts auxquels profitait cette protection furieuse ne lâchèrent pas prise. On effaça des lois les vingt ans de fer contre ceux qui se servaient de marchandises anglaises et les autres clauses les plus manifestement sauvages de la pénalité. On raya de même les brutalités qui proscrivaient les denrées coloniales et les matières premières des régions tropicales : de toutes parts on s’en plaignait, personne n’en bénéficiait, personne n’en demandait le maintien mais tout ce qui était de la protection, un instant atténué dans le printemps de 1814, fut restauré avec aggravation dès la même année par la loi du 17 décembre 1814, et puis aggravé encore. Il se produisit alors un phénomène dont les exemples sont trop nombreux dans notre histoire. Les intérêts particuliers parvinrent à se faire sacrifier l’intérêt général, parce que, faute d’esprit public, la force qui chez nous défend l’intérêt général est molle, tandis que les intérêts particuliers poussent leur pointe avec audace et énergie. Parmi les anglais, les intérêts, particuliers ne manquent ni d’âpreté, ni d’une impudente hardiesse ; ils en ont pour le moins autant qu’en France ; mais, en Angleterre, l’esprit public donne à l’intérêt général un si puissant soutien, que celui ci finit par triompher. En France donc, une fois la paix signée, les intérêts privés disputèrent avec obstination le terrain qu’aurait dû reprendre l’intérêt public, et ils l’emportèrent. Il faut dire qu’alors le régime protecteur trouvait des appuis naturels dans la plupart des administrateurs formés à l’école de l’empire et tout remplis de l’esprit des décrets de Berlin et de Milan. Prompts à s’armer de tout, les intérêts privés, qui jouissaient de cette protection au détriment de la nation, avisèrent bientôt un argument captieux. La constitution anglaise, avec la pairie héréditaire, était alors l’idéal politique des penseurs, et on aurait pu choisir plus mal ; donc concluait on il faut que nous imitions les lois qui, pour donner à l’aristocratie anglaise la primauté dans la société, lui assurent de grandes richesses ; donc, il faut que nous ayons une législation douanière qui favorise les grands propriétaires et accroisse leurs revenus. Cette pensée dicta de nouvelles dispositions douanières sur le bétail, sur les laines brutes : de même sur les fers dont la tarification est combinée de manière à donner de gros revenus aux propriétaires de bois plus encore que des profits aux fabricans. Ce sont particulièrement les deux lois du 27 juillet 1822 et du 17 mai 1826, votées, la date le dit assez, au fort de la recrudescence des idées nobiliaires, qui consacrèrent ce rétablissement détourné des redevances seigneuriales. Pour assurer dans la chambre des députés la majorité à ces exagérations nouvelles du tarif, il fallait, par d’autres restrictions, acquérir des alliés au système ; c’est ainsi que le tarif allait toujours